Charlotte, Emily et Anne ….. Vous les connaissez, ce sont les sœurs Bröntë, elles vivaient au 19ème siècle, elles ont écrits : Jane Eyre, Les Hauts de Hurlevant et Agnès Grey. Elles ont disparu très rapidement, emportées par la maladie, mais on connaît moins l’histoire de leur frère : Branwell…… Peintre, poète, écrivain maudit….. Comment dans une famille aussi riche en création, lui n’a jamais été reconnu. Malédiction, maladie, folie ? C’est ce que tente de nous expliquer Daphné du Maurier à travers cette biographie riche en documentation, en recherches, en déductions et analyses.
Ma lecture
Etant une adepte de littérature anglaise et aimant découvrir ce qui fait l’environnement des écrivains, ayant vu il y a quelques temps un documentaire sur le presbytère de Haworth où vivait toute la famille, j’étais très attirée par cette biographie de Daphné Du Maurier consacrée à l’élément masculin des enfants Brontë et je me suis plongée dans l’existence de ce frère méconnu et mal-aimé et à travers sa vie l’existence et les rapports des trois jeunes femmes avec celui-ci.
Maudit : oui sûrement. Dès l’enfance il souffre de la disparition de sa mère et de ses sœurs Maria et Elizabeth. Elevé par sa tante maternelle, Elizabeth, celle-ci perçut à tort ou à raison chez le jeune enfant un potentiel artistique : peinture, écriture, poésie, et lui promettait un bel avenir. Pourtant à la différence de ses sœurs, il ne suivit jamais d’études dans un collège et fut instruit par sa tante. Habituellement ce sont les garçons des familles qui bénéficient de l’enseignement extérieur. Branwell resta au presbytère et les filles furent envoyées dans un premier pensionnat dont certaines ne revinrent que pour mourir.
Branwell, petit, roux (cette couleur de cheveux était parfois très mal vu), épileptique, myope, gaucher (on lui enjoignit d’écrire de la main droite et il développa la capacité d’écrire des deux mains), grandit entouré de ses trois sœurs, si complices avec elles dans leur jeunesse mais se sentant de plus en plus exclu de leurs confidences, lui qui avait été leur compagnon d’écriture, de création, de jeux.
On suit les espoirs puis la lente déchéance de ce jeune homme maladroit dans ses rapports aux éditeurs, aux artistes, cherchant un moyen de subsistance (il a même travaillé comme préposé de gare de chemins de fer), lui dont le talent n’équivalait pas celui de ses sœurs.
Je vous mets quelques gravures des enfants Bröntë (on pense que Branwell s’effaça lui-même du tableau) ainsi qu’un auto-portrait de Bronwell
Il ira jusqu’à se créer un double à travers le personnage d’Alexander Percy, héros de son « monde infernal » où tout était possible. Ne devient-il pas schizophrénique ?
Il est très intéressant de suivre le processus de création de cette famille : jeux de rôles, création d’un monde imaginaire : Angria et les différentes vies de ses habitants qui ont inspiré ensuite nombre de personnages dans les récits écrits ensuite, jeux d’écriture en lettres minuscules (vu également chez Jane Austen) pour ne pas être lu par l’entourage ou pour ne pas savoir qui écrivait, observation des personnes et situations qui les entouraient, leur imagination était très féconde et en ébullition. Pour son malheur et son psychisme, il fut refusé à l’entrée de la Royale Academy et également par un célèbre éditeur.
Une grand complicité unissait Charlotte et Branwell, complicité qui s’effrita au fur et à mesure que Charlotte connut le succès, pas par désamour mais peut être pour préserver l’orgueil de ce frère buveur, addicte au laudanum, victime de crises récurrentes d’épilepsie, mal soigné car ses crises étaient mises sur le compte de ses excès….. Mais certains pensent qu’une partie des Hauts de Hurlevent est l’oeuvre de Branwell.
A travers Branwell on découvre le travail des trois sœurs dans ce presbytère isolé dans le Yorshire, vivant repliés sur eux-mêmes, au milieu de la lande, avec peu de contacts extérieurs et trouvant entre eux une émulation à l’écriture. Aucun ne connut l’amour partagé, leurs vies étaient austères, très marquées par les disparitions des êtres chers, la maladie. Ce qu’ils ne pouvaient vivre, ils l’ont inventé dans leurs romans.
C’était un clan, Charlotte, Emily et Anne en ont fait une force, Branwell lui s’est senti comme le « vilain petit canard ». Elles ont tenté de le protéger les derniers mois de sa vie en refusant de lui avouer qu’elles commençaient à être publiées (sous le nom de Bell) mais lui le vécut comme une mise à l’écart définitive. Il mourut à 31 ans de tuberculose mais aussi de ses excès, de sa folie.
Enorme travail de documentation et de recherches de la part de Daphné Du Maurier pour reconstituer la vie de cet étrange petit homme, qui tenta à travers la franc-maçonnerie de se constituer un réseau d’influence, une existence mais comme pour la peinture et l’écriture rien ne fonctionna. Elle tente de replacer dans le contexte de l’époque sans parti pris, l’existence de cet homme sensible, fragile, n’ayant vécu pratiquement que par procuration à travers ses sœurs, ses rêves, ses marionnettes en bois, ses personnages d’un monde imaginaire et qui ne trouva ni l’amour et la reconnaissance espérés , juxtaposant ses recherches à celles de Mrs Gaskell,
Il fit vivre à sa famille l’enfer de sa vie, il vécut sûrement l’enfer pour ne pas avoir été reconnu, aidé, encouragé, soigné, pour une fois ce fut un homme qui a vécu à l’ombre de Grandes Dames de l’écriture.
Il y a de nombreuses lettres, poèmes, des différentes personnes gravitant autour de lui ainsi que de ses amis, peu nombreux (principal ami le sculpteur Leyland, qui l’aida à régler de nombreuses dettes) insérées dans la biographie avec des annexes explicatives en fin d’ouvrage qui permettent de mieux comprendre les propos avancées par l’auteure.
Lecture enrichissante pour mieux appréhender la littérature de cette famille, pour mieux cerner les différentes personnalités mais aussi découvrir un pan de leur vie dont on parle peu…..
Mon avis : 📕📕📕/📕
Traduction de Jane Fillion
Editions de La Table Ronde – 315 pages – 2018 (première parution 1960)
Ciao
Je suis heureuse de voir une nouvelle convaincue par cette biographie. Cette dernière remet Branwell sur le devant de la scène bien qu’il ait été complétement éclipsé par ses sœurs. Il fait pourtant partie intégrante de leurs œuvres.
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Daphné plus la famille Brontë, j’ai vu ce texte plus que tentateur dans ma librairie hier … Mais j’ai crains un trop plein de romantisme, surtout qu’il me semble avoir lu quelque part (mais où ?) qu’il s’agissait d’une oeuvre de commande … Visiblement, commande ou pas,, on y trouve de l’intérêt.
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Pas de romantisme une biographie qui remet en lumière le frère méconnu et qui a peut-être participé à l’écriture des soeurs….. Livre de commande ou pas je trouve que cela lève aussi le voile sur le vie dans le presbytère si austère…..
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[…] lu de Daphné du Maurier Le Monde infernal de Branwell Brönté il n’y a pas très longtemps ainsi que Rebecca, lu il y plusieurs années mais qui fut une de […]
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[…] Grâce à cette biographie de Denise Le Dantec, je pars pour Haworth, dans le Yorshire, dans le presbytère où furent élevés les sœurs Bronte, Maria et Elizabeth, Charlotte, Emily et Anne ainsi que Branwell, leur frère, dont j’avais lu il y a quelques temps la biographie écrite par Daphné du Maurier, Le monde infernal de Branwell. […]
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