Bella-Vista de Colette

BELLA VISTA

« C’est folie de croire que les périodes vides d’amour sont les « blancs » d’une existence de femme. Bien au contraire. Que demeure-t-il, à le raconter, d’un attachement passionné ? L’amour parfait se raconte en trois lignes : Il m’aima, je L’aimai, Sa présence supprima toutes les autres présences ; nous fûmes heureux, puis Il cessa de m’aimer et je souffris… […]

Ces « blancs » qui se chargèrent de me fournir l’anecdote, les personnages émus, égarés, illisibles ou simples qui me saisissaient par la manche, me prenaient à témoin puis me laissaient aller, je ne savais pas, autrefois, que j’aurais dû justement les compter pour intermèdes plus romanesques que le drame intime.

Je ne finirai pas ma tâche d’écrivain sans essayer, comme je veux le faire ici, de les tirer d’une ombre où les relégua l’impudique devoir de parler de l’amour en mon nom personnel. »

Bella-Vista regroupe quatre nouvelles. Suivant une sorte d’itinéraire personnel dans l’espace et le temps, Colette y dépeint des lieux familiers : le Midi de la France dans « Bella-Vista » ; l’univers du music-hall parisien – auquel elle appartint de 1906 à 1912 – avec « Gribiche » ; l’Afrique du Nord, où elle fit de nombreux séjours, dans « Le rendez-vous » ; enfin, sa Bourgogne natale dans « Le sieur Binard ».

Ma lecture

Lecture faite dans le cadre du Club de Lecture sur le thème de Colette

Colette est le thème du prochain club de lecture avec libre choix du livre. Un petit passage sur mes étagères me fait découvrir ce recueil de 5 nouvelles : Belle-Vista….. je ne me souviens pas les avoir lues. J’ai également l’Ingénue Libertine que je lirai également.

La première nouvelle, qui donne son titre à l’ouvrage, nous parle d’un séjour que Colette (les nouvelles étant  largement autobiographiques) fit dans le sud de la France suite à l’achat d’une maison demandant des travaux. On lui avait conseillé de séjourner à proximité pendant ceux-ci afin de « surveiller » et « encourager » les ouvriers.

Dans cette nouvelle elle évoque sa rencontre avec les propriétaires de la pension où elle séjourna, deux femmes Rudy américaine et Suzanne, qui semblent très liées ainsi que les différents pensionnaires de la maison. Sur un ton très léger mais précis, fouillé, Colette  aborde, ne pouvant éviter d’y mêler la nature et la faune environnantes (on connaît son amour des bêtes et en particulier des chats), ce qui l’entoure : les personnes, le quotidien de la pension etc…. C’est un séjour dont elle se souviendra longtemps car il se termina par une révélation surprenante.

Dans Gribiche il est question d’une troupe de danseuses dans un music-hall parisien : l’Eden Concert et de leurs relations. Solidarité, entraide mais aussi condition féminine au début du 20ème siècle (je rappelle que Colette a pendant 5 ans travaillé dans un music hall). Dans cette nouvelle, on ressent toute la tendresse de l’auteure vers ce milieu qu’elle a connu, mais surtout vers ces femmes, de petite condition. Les loges, les costumes, on entre dans le monde du spectacle mais aussi dans ses coulisses avec la réalité de la vie qui s’oppose au monde des paillettes.

Avec Le Rendez-vous nous partons pour Tanger,  pour un séjour en compagnie de 4 personnages : un couple : Cyril, architecte et Odette sa femme ainsi que Bernard et Rose, jeune veuve et belle-sœur de Cyril.  Ce dernier rêve de mettre cette dernière dans son lit et c’est l’occasion pour Colette de se moquer (gentiment mais sûrement) du comportement des touristes fortunés, critiques et indifférents à la population qui les entoure mais qui va être pour Bernard une prise de conscience lors d’un événement dramatique de la futilité de sa vie jusqu’alors.

C’est curieux qu’il a fallu que je vienne jusqu’à Tanger pour rencontrer mon semblable, le seul qui puisse me rendre fier de lui, et fier de moi (p174)

Dans le Sieur Binard, une très courte nouvelle, c’est un éloge à son demi-frère Achille, médecin de campagne qui va être confronté à une naissance peu banale où même Sido, sa mère, voudra expliquer à Colette ce qui arrive dans les campagnes, la réalité de certaines familles mais celle-ci n’a que 15 ans…..

Dans la dernière Trois, Six, neuf (durées d’un bail) Colette s’amuse à nous décrire ses péripéties de ses déménagements et des différents lieux (15) où elle a vécu à Paris, les joies et les tracas qu’offrent ses changements d’adresse, les charmes de chacun des lieux, laids ou beaux, riches ou misérables, simples ou majestueux.

Colette a le don de mettre en valeur,  en y associant souvent un environnement végétal et animal, des chroniques de la vie, de voyage, de l’enfance qui lui permettent également d’aborder des sujets plus graves tels que l’avortement, les grossesses non désirées, les classes sociales, la vie en campagne, le de vie et l’impact de celui-ci sur son travail d’écrivaine.

Elle possède une plume légère et ironique mais possédant du fond et j’ai particulièrement aimé la nouvelle Le Rendez-vous tellement chargée d’humanité, Gribiche qui parle tellement bien de la solidarité féminine sans oublier l’évocation de son frère Achille et de son travail de médecin de campagne dans Le Sieur Binard.

Oui c’est attachant, frais et léger mais avec l’idée malgré tout de témoigner de sujets graves comme la maternité, l’avortement, le rapport à l’autre avec la faculté de s’adresser au lecteur d’une façon directe, partageant avec lui ses pensées et son regard sur des événements anodins ou pas.

Mon avis : 📕📕📕/📕

Editions le Livre de Poche – Mars 2004 (1ère édition 1937) – 249 pages

Ciao

 

2 réflexions sur “Bella-Vista de Colette

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.