Depuis des semaines, le comédien Antoine Vautier court d’agence en agence sans trouver d’engagement. Il faut serrer les dépenses, ruser, recourir à des expédients pour éviter la saisie.
Antoine se lamente, menace de tout lâcher. Prévenante, éperdue, sa femme Jeanne le console de son mieux. N’a-t-il pas la quasi-promesse d’un emploi dans le film que prépare le cinéaste Despagnat ?
Ce n’est qu’un mauvais moment à passer. Mais Despagnat tarde à commencer le tournage. Il cherche l’enfant qui doit jouer le rôle principal. Antoine a l’idée de présenter son fils : Christian réussit au-delà de toute espérance.
Alors commence pour Antoine le crève-coeur de n’être plus que « le père du petit Vautier » – un homme à jamais dépossédé de son prestige jusque dans son foyer, quand bien même la gloire du jeune garçon n’aura été qu’un feu de paille.
Ma lecture
Etre comédien, être sous le feu des projecteurs, sur le devant de la scène ou de sa famille, voilà ce qui fait vivre Antoine Vautier et il aime cela que ce soit sur les planches ou chez lui. Jeanne sa femme le vénère et l’attend même très tard, servante admirative et dévouée ainsi que Christian son fils, dont il s’occupe peu.
Mais le temps passe les rôles se raréfient et c’est Christian qui va être la révélation d’un film et devenir la « star », celui dont on parle, celui qu’on admire, et comble de tout sans écouter les conseils de son père. Comment Antoine va-t-il vivre ce changement de distribution, de statut ?
Etre le « fils de » n’est pas toujours facile mais être et surtout devenir le « père de » quand on a soi-même connu le succès, comment l’accepte-t-on ?
Henri Troyat restitue parfaitement le long chemin qui mène Antoine de la lumière à l’ombre, de toutes les étapes psychologiques par lesquelles il passe : espoirs, rêves, fabulations allant jusqu’à haïr son fils pour le succès qu’il rencontre, utilisant même sa filiation pour trouver un engagement. De quoi est-on capable pour monter sur les planches, pour être reconnu et célèbre. C’est finement observé, relaté, étape par étape, relatant les différents stades de sa transformation, de son adaptation (en apparence) à la situation.
C’est un récit vivant, très imagé qui nous plonge dans le monde artistique au milieu des metteurs en scène, comédiens, des tournées théâtrales mais j’avais l’impression de regarder un film en noir et blanc tellement la prolifération de détails sur l’époque le situait dans le temps alors qu’il peut être finalement très actuel.
Une lecture agréable, un peu datée (publié en 1936) par les détails, des portraits psychologiques bien cernés, chacun changeant de position au fil de la narration, que ce soit pour Antoine mais également pour sa femme, pour Christian l’auteur reste assez flou sur ses propres ressentis. C’est une galerie de portraits qui évoluent tout au long du récit et c’est très habilement restitué. On pourrait imaginé ce même thème dans d’autres contextes, car dans un monde qui change, qui évolue, comment ressent-on le changement de statut, de position et comment s’adapte-t-on pour tenir, exister ?
Editions Le livre de poche – Janvier 1966 (Plon 1936) – 255 pages
Ciao
j’ai beaucoup lu les romans d’Henri Troyat, il fut un temps, et j’apprécie beaucoup sa plume. Je ne connaissais pas celui-ci. noté donc
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[…] Grandeur nature de Henri Troyat […]
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Ça fait tellement longtemps que je n’ai pas lu Henri Troyat (ça doit remonter à mes années lycée quand je piochais dans la bibliothèque de mes parents, j’avais dévoré Les semailles et les moissons). Ton billet me donne envie de relire cet auteur.
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Très bonne chronique ! j’ai eu le plaisir de visionner hier soir le film de 1940 : une pure merveille !
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Merci 😉
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