Fille de Camille Laurens

FILLEFILLE, nom féminin
1. Personne de sexe féminin considérée par rapport à son père, à sa mère.
2. Enfant de sexe féminin.
3. (Vieilli.) Femme non mariée.
4. Prostituée.

Laurence Barraqué grandit avec sa sœur dans les années 1960 à Rouen.
« Vous avez des enfants? demande-t-on à son père. – Non, j’ai deux filles », répond-il.
Naître garçon aurait sans doute facilité les choses. Un garçon, c’est toujours mieux qu’une garce. Puis Laurence devient mère dans les années 1990. Être une fille, avoir une fille : comment faire ? Que transmettre ?

Ma lecture

Il arrive parfois qu’un livre réveille en vous quelque chose….. J’avais abandonné Ni toi ni moi de cette auteure il n’y a pas très longtemps (et je ne l’avais d’ailleurs pas chroniqué) et moyennement apprécié Celle que vous croyez et celui-ci je l’ai lu, voire dévoré, j’ai eu l’impression que Camille Laurens avait été témoin de nombreux épisodes de ma vie et je me suis sentie bien, en confiance, rassurée de ne pas me sentir seule et inquiète de savoir que nous avions été si nombreuses, enfin quelqu’un qui évoquait les maux en mots d’une enfance féminine.

Un enfant naît : il peut être source de joie, d’avenir, « C’est un garçon ! » ou source de regrets, de résignation, « C’est encore une fille… » et même si elle ne manque pas d’affection, elle doit, malgré tout trouver et faire sa place, sa vraie place. Cela tient parfois à peu de choses : une phrase, une expression, un mot qui se gravent à jamais dans la mémoire ou alors une impression, un sentiment, une sensation qui vous imprègnent pour toujours.

Année 1950 – Famille Barraqué je demande le fils : mauvaise pioche, ici il n’y a que des filles au grand désespoir du père. Il y a Claude, l’aînée, mais déjà avec un prénom épicène (merci Amélie Nothomb d’avoir porté à notre connaissance ce terme), puis Laurence, comme Olivier, l’acteur anglais, mais là c’est une fille, la narratrice, qui portait pourtant tous les espoirs de la famille d’avoir enfin un fils.

Dans un milieu plutôt favorisé, père médecin, mère au foyer, Camille Laurens  retrace avec minutie et précision dans les mots l’itinéraire des filles, elle leur donne la parole, employant le « Tu », faisant de sa narration un texte universel, nous apostrophant parfois, nous lectrice, de ne pas voir l’importance de certaines attitudes, de certains mots ou faits, mêlant ses propres souvenirs et vécus avec le « Je ». Il y a de la colère, de la révolte, de l’indignation dans des événements, des mots qui pourraient paraître des petits riens et qui au fil des pages on fait remonter en moi bien des souvenirs.

Un parcours d’enfance et de femme comme il en existe tant, tellement ancré dans les mœurs, dans les habitudes et traditions qu’il est bon de passer au crible les faits, les mots, les expressions utilisés sans compter les silences et avec le recul, on se rend compte de l’importance qu’ils ont eu sur ces femmes. Et cela, Camille Laurens le fait parfaitement s’attachant à analyser, décortiquer ce qu’était l’accueil et l’éducation d’une enfant de sexe féminin dans une société où le sexe masculin était porteur de longévité du nom, symbole de réussite et de fierté.

Etre fille hier, et même parfois encore maintenant, n’est pas toujours chose facile et le chemin pour parvenir à être femme et surtout femme heureuse, épanouie, est parfois semé d’embûches et Camille Laurens enfonce le clou, là ou cela peut faire mal à travers un roman très vrai et documenté, très ancré dans une époque pas si éloignée de nous, où l’on a le sentiment que les choses n’évoluent guère.

C’est fort, puissant, vrai, c’est un roman mais cela pourrait être un essai tellement il fourmille de références, de vécus passés au crible. Alors certes l’écriture est sèche, faite de courtes phrases, écrites dans un élan, dans un souffle, mais elle sait également devenir émouvante quand elle s’imprègne d’événements, je pense, personnels à l’auteure. C’est un roman, oui,  mais c’est cela pourrait être également le témoignage de tellement de femmes…..

A lire pour comprendre pourquoi et comment les femmes ont été ou sont entravées parfois par une enfance ou par une éducation où le fait d’être fille est un handicap ou vous handicape pour vous construire, vous épanouir et à  mettre entre les mains des filles, des pères, des mères ou des femmes (et des hommes) pour en prendre conscience.

J’ai aimé le ton, même la violence sous-jacente, la richesse des détails qui relèvent d’un vécu personnel mais devient universel, retraçant une vie féminine dans un monde où le masculin l’emporte encore trop souvent sur le féminin mais surtout j’ai été époustouflée par la précision de l’écriture, de l’analyse parfois de chaque mot, pour ne rien laisser passer, pour être la plus précise possible, pour aller à l’essentiel, au vital et comment les préceptes ont imprégné le langage.

J’ai beaucoup aimé et j’en suis sortie à la fois plus forte, émue et admirative pour avoir su si bien parler de nous les Filles…..

Editions Gallimard – Mars 2020 – 240 pages

Ciao

14 réflexions sur “Fille de Camille Laurens

  1. je l’ai trouvé trop caricatural, et mère est aussi odieuse que le père car non assistance à personne en danger… J’ai un problème avec le style de l’auteure et le côté autofiction en général …
    Par contre, une chose est certaine ce roman hante la mémoire longtemps après l’avoir lu 🙂 question d’épiderme je suppose 🙂

    J’aime

    • Je suis d’accord sur l’écriture puisque deux de ses précédents romans (un abandonné et un moyennement aimé) ne m’avaient pas emballée mais là j’ai trouvé l’écriture très précise et pour le côté caricatural pour avoir vécu certaines scènes ou entendu certains langages il est très vrai et cela a réveillé beaucoup de choses en moi. Caricatural peut-être pour les personnages et le milieu social mais malheureusement des situations existantes dans beaucoup de couches de la société hier et encore maintenant je pense 🙂

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