La porte des Enfers de Laurent Gaudé – Coup de🧡

LA PORTE DES ENFERS IGAu lendemain d’une fusillade à Naples, Matteo voit s’effondrer toute raison d’être. Son petit garçon est mort. Sa femme, Giuliana, disparaît. Lui-même s’enfonce dans la solitude et, nuit après nuit, à bord de son taxi vide, parcourt sans raison les rues de la ville.

Mais, un soir, il laisse monter en voiture une cliente étrange qui, pour paiement de sa course, lui offre à boire dans un minuscule café. Matteo y fera la connaissance du patron, Garibaldo, de l’impénitent curé don Mazerotti, et surtout du professeur Provolone, personnage haut en couleur, aussi érudit que sulfureux, qui tient d’étranges discours sur la réalité des Enfers. Et qui prétend qu’on peut y descendre…

Ceux qui meurent emmènent dans l’Au-Delà un peu de notre vie, et nous désespérons de la recouvrer, tant pour eux-mêmes que pour apaiser notre douleur. 

Ma lecture

J’ai approché et découvert l’Enfer, celui dont Matteo et Giuliana ont franchi les portes quand ils perdent leur fils, Pippo, âgé de 6 ans, victime innocente d’une fusillade. L’Enfer existe et ils y vivent depuis, le couple n’ayant de cesse de retrouver Pippo, de le ramener auprès d’eux, comme le supplie Giuliana  : « Ramène-moi Pippo », c’est la seule chose qu’elle lui demande et qu’il ne peut lui donner car, une fois franchit les portes de la mort, personne n’en revient, tout le monde le sait. Alors Giuliana disparait sans laisser de traces et laisse Matteo à son désespoir, celui de n’avoir su ou pu protéger son fils, de n’avoir pu le sauver, celui de les avoir perdu tous les deux.

Mais c’est un roman de Laurent Gaudé et avec lui toute histoire prend une autre dimension. Il en fait une sorte de conte où la frontière entre la mort et la vie se situe dans les entrailles de Naples, derrière des portes secrètes qu’il va découvrir grâce à des rencontres de solitudes : un prêtre, un patron de café, un étrange professore et une femme qui n’est pas une femme, ni une mère mais qui l’est aussi. La narration est à plusieurs voix : celle de Pippo adulte, celle de Matteo désespéré et celle de Giuliana inconsolable et tout cela se tisse à plusieurs époques.

Cela vous semble confus mais n’oubliez pas : Laurent Gaudé est le guide et on peut lui faire confiance,  il nous mène aux portes de l’Enfer et lui seul en possède les clés et nous montre le chemin. Il vous balade dans le temps, il vous ouvre un monde, celui des ténèbres qui ne sont pas uniquement en enfer mais aussi sur terre, où les ombres rodent, errent, espèrent et attendent de disparaître définitivement. 

La société d’aujourd’hui, rationaliste et sèche, ne jure que par l’imperméabilité de toute frontière mais il n’y a rien de plus faux…. On n’est pas mort ou vivant. En aucune manière… C’est infiniment plus compliqué. Tout se confond et se superpose… Les Anciens le savaient.. Le monde des vivants et celui des morts se chevauchent. Il existe des ponts, des intersections, des zones troubles… Nous avons simplement désappris à le voir et à le sentir… (p140)

Et comme toujours, l’auteur ancre son récit dans la violence du monde mais avec toujours une lueur, car malgré les actes il nous offre des personnages lumineux qu’il va chercher dans les bas-fonds d’une ville, Naples, dans laquelle ils vivent et qui offre, à qui se présente à eux avec pour seul bagage sa douleur et son désespoir,  un peu de chaleur et une planche de salut. 

Alors j’ai eu confiance, malgré la violence d’une vengeance, malgré la tristesse de la perte d’un enfant, malgré une quête de l’impossible, malgré parfois une perte de repères sans importance dans le temps et les identités, je savais que le maître des lieux allait me révéler son message. 

Dans une écriture flirtant entre réel et imaginaire, dans un récit où l’Enfer peut se trouver à beaucoup d’endroit, dans la vie, sur terre ou sous terre, visible ou invisible, Laurent Gaudé nous ouvre les portes de la perte, du deuil mais également de la rédemption et de la lumière avec une vision du monde des ténèbres élaborée, construite et à laquelle on pourrait souscrire. Tout est contraste dans ce roman et à la manière d’un conteur il créée un monde où les frontières n’existent plus, où l’amour de l’autre, quel qu’il soit, prend le dessus sur la croyance et les apparences.

Décidément cet auteur sait comment aborder certains thèmes et les transformer en un conte presque philosophique, où il parle de mort et d’amour, de perte et de don de soi, de culpabilité, de vengeance pour en faire un conte lumineux, plein d’espoir où vivants et morts se côtoient et où la mort n’est pas toujours une fin en soi.

Coup de 🧡pour l’écriture, la construction, l’ambiance (pourtant sombre). Je suis définitivement une inconditionnelle de cet auteur.

Editions Actes Sud – Août 2008 – 266 pages

Ciao 📚

13 réflexions sur “La porte des Enfers de Laurent Gaudé – Coup de🧡

  1. Je l’ai lu il y a bien longtemps ! Je crois, d’ailleurs, en 2008, à sa sortie. Et il est vrai que c’est ma première et dernière expérience avec cet auteur car c’est une lecture que je n’ai pas du tout su apprécier. Depuis maintenant 8 ans que je suis sur wordpress, je vois pourtant qu’il est considéré comme une valeur sûre !

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