Hamnet de Maggie O’Farrell – Coup de 🧡

HAMNET IG

Un jour d’été 1596, dans la campagne anglaise, une petite fille tombe gravement malade. Son frère jumeau, Hamnet, part chercher de l’aide car aucun de leurs parents n’est à la maison…

Agnes, leur mère, n’est pourtant pas loin, en train de cueillir des herbes médicinales dans les champs alentour ; leur père est à Londres pour son travail ; tous deux inconscients de cette maladie, de cette ombre qui plane sur leur famille et menace de tout engloutir.

Ma lecture

Et un désir brûle en lui, force lui est de l’avouer, celui de retrouver les quatre murs de sa petite chambre où personne ne vient jamais, où personne ne le regarde, ne le demande, ne lui parle, ne le dérange, où il n’y a qu’un lit, un coffre, un bureau. Il n’y a que là-bas qu’il peut échapper au bruit, à la vie, aux gens qui l’entourent ; il n’y a que là-bas qu’il peut oublier le monde, se dissoudre, n’être plus qu’une main tenant une plume trempée dans l’encre, et regarder les mots se déverser de sa pointe. Et c’est alors que ces mots viennent, les uns après les autres, qu’il parvient à s’absenter de lui-même, à se réfugier dans une paix si prenante, si apaisante, si intime, si joyeuse que plus rien d’autre n’existe. (p278)

Prendre comme base de départ la mort d’un enfant, mais pas n’importe lequel. Ici il s’appelle Hamnet et a pour père un homme dont le nom est connu de tous et qu’il est finalement inutile de citer dans le récit tellement il transpire à travers tout le récit et parce que le prénom de l’enfant fait résonner en vous un autre nom….. Hamlet. Voilà vous y êtes et c’est le pari pris par Maggie O’Farrell de retracer et de faire le lien entre les deux personnages : Hamnet, le fils perdu à l’âge de 11 ans de la peste bubonique ou pestilence comme on l’appelait à la fin du XVIème siècle et l’autre, Hamlet, le personnage central de la célèbre pièce du dramaturge anglais.

En partant de quelques faits connus, Maggie O’Farrell imagine à la fois les derniers instants de ce fils mais également dans ce que cette mère, analphabète mais riche de connaissances dans les plantes et dotée d’une capacité à ressentir les êtres et les événements à venir, a vécu entre ses trois enfants et son époux dont elle n’a que très peu conscience du talent et même à ce qu’il s’emploie réellement depuis qu’il est à Londres. En alternant dans un premier temps les enfances du père de Hamnet et d’Agnès sa femme, leur rencontre et les premiers symptômes qui apparaissent sur Judith, la sœur jumelle d’Hamnet, sans penser que la victime sera autre, l’auteure nous fait entrer de plain-pied dans l’ambiance d’une maison familiale, celle du dramaturge anglais qui va devenir ce que Molière ou Racine seront pour la France….

Ensuite le récit entre dans sa partie la plus sombre avec le décès de l’enfant et la douleur qui s’installe dans le cœur de sa mère, son sentiment de culpabilité de n’avoir pas su voir et peut-être sauvé son fils, l’incompréhension qu’elle ressent dans sa solitude puisque son mari vit à Londres, loin d’eux pour gérer ses « affaires », du doute qui s’installe dans son esprit sur elle mais également sur son couple.

Maggie O’Farrell signe ici une fresque d’une grande intensité émotionnelle mais également historique et sociétale en prenant le parti de nous plonger à la fois dans une époque, un foyer, son quotidien et les relations familiales mais également démontre comment la peste venue de l’autre bout du monde sur un minuscule insecte après une chaîne d’événements, de voyages va semer la mort autour de lui. Elle se fait à la fois romancière, historienne et épidémiologiste et le tout dans une fluidité captivante.

Il y a des passages à peine soutenables dans leur description, dans leur évocation, mais à peine soutenables parce que tellement beaux, profonds, sensibles. L’auteure décortique les moindres gestes, attentions et leurs portées où ils prennent tant de sens pour qui sait les voir. J’ai eu le sentiment à travers son écriture de ressentir la détresse de cette mère, de sentir ses larmes couler des mots, de sa volonté à retenir celui qui n’est plus. Il est impossible de rester à distance de sa douleur mais également de vivre auprès d’elle son intimité avec l’illustre mari dont elle ne comprendra que plus tard que lui aussi souffre de cette perte mais qu’il exprimera d’une autre manière, à sa manière.

J’avais déjà par le passé apprécié le talent de Maggie O’Farrell avec L’étrange disparition d’Esme Lennox, Quand tu es parti ou Cette main qui a pris la mienne et à chaque fois elle me bouleverse par la manière qu’elle a d’éveiller les émotions en moi mais également par son habilité à « imager » son récit. Tous les personnages, leurs ressentis mais également les décors et encore plus ici avec une plongée dans l’histoire sont parfaitement restitués. Comme souvent dans ses romans elle analyse les liens familiaux, les questionnements, les silences ou les sentiments de ses personnages, l’influence des passés sur les comportements de chacun, comment ceux-ci ont conditionné leurs réactions, leurs attitudes.

Je suis admirative de son écriture, de la manière dont elle imprègne ses mots, ses ambiances afin de nous plonger à chaque fois dans ce que les hommes et les femmes peuvent avoir de plus intime, de plus secret et de nous tenir par le cœur dans chacun de ses romans. Elle fait le plus souvent de ses personnages féminins des héroïnes qui possèdent une force presque surhumaine pour surmonter les épreuves en leur donnant une large place au sein de ses romans.

Coup de 🧡

Traduction de Sarah Tardy

Editions Belfond – Avril 2021 – 368 pages

Ciao 📚

25 réflexions sur “Hamnet de Maggie O’Farrell – Coup de 🧡

  1. […] Ils/elles en parlent aussi : Books, moods and more. Aujourd’hui je m’aime. L’art et l’être. Good books, Good friends. Charlotte Parlotte. The book and biscuit. Ma voix au chapitre. Books n’ joy. Les chroniques de Coco, Au temps des livres, Histoires d’en lire, Émois livresques, La minute livres, La nuit je mens, Mon coin lecture, La flibuste des rêveurs, Le temps de la lecture, Les lectures d’Azilis, In the mood for…, La culture dans tous ses états, Christlbouquine, Les livres d’Ève, Une souris et des livres, Mumu dans le bocage […]

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