Ce mois-ci le thème des Classiques c’est fantastique orchestré par Moka Milla et Fanny était Quand l’histoire raconte l’histoire : Les événements historiques vus à travers le prisme de la littérature. Mon choix des classiques à lire ayant été fait dès la liste des thèmes établie, je me suis lancée assez confiante dans l’histoire avec un grand H.
J’avais privilégié des ouvrages de ma PAL (lier l’utile à l’agréable) et il y avait un énorme pavé Le pavillon des Cancéreux de Alexandre Soljenitsyne qui m’a semblé une évidence mais j’ai cru avoir à lire l’Archipel du goulag qui me semblait totalement correspondre au thème (par moment mon cerveau bug)
J’avais déjà fait connaissance avec cet auteur avec Une journée d’Ivan Dessinovitch il y a quatre ans avec un ressenti identique pour cette lecture mais à la différence qu’il s’agissait d’un roman beaucoup plus court et qui se déroulait sur une journée.
Ici il s’agit d’un récit choral qui se déroule au sein d’un service de cancérologie de 1963 à 1967. Je vous mets le résumé de Babelio ci-dessous :
En 1955, au début de la déstalinisation, Alexandre Soljenitsyne est exilé dans un village du Kazakhstan après huit ans de goulag. Il apprend alors qu’il est atteint d’un mal inexorable dont le seul nom est un objet de terreur. Miraculeusement épargné, il entreprendra quelques années plus tard le récit de cette expérience.
Au » pavillon des cancéreux « , quelques hommes, alités, souffrent d’un mal que l’on dit incurable. Bien que voisins de lit, Roussanov et Kostoglotov ne se parlent pas. Pour l’un, haut fonctionnaire, la réussite sociale vaut bien quelques concessions. Pour l’autre, Kostoglotov, seule compte la dignité humaine. Pour ces êtres en sursis, mais également pour Zoé la naïve, Assia la sensuelle, Vadim le passionné, c’est le sens même de leur vie qui devient le véritable enjeu de leur lutte contre la mort.
Je n’ai rien à reprocher à l’écriture qui est très accessible et j’ai même pris du plaisir dans la première moitié du roman (j’ai abandonné à la page 404) mais que c’était long et déprimant d’écouter les propos des malades, médecins, infirmières, cela n’avançait pas, tournait en rond et je dois avouer également que je me perdais dans les différents intervenants (et leurs noms) car non seulement il est question de la maladie, des traitements mais également des différentes classes sociales qui se retrouvent au sein du service sans différenciation de traitement, les deux principaux étant Roussanov représentant le « bon élève » du parti et Kostoglotov, le lucide et le réactionnaire mais également des voix féminines à travers une chef de service ou une infirmière sans oublier une ébauche de romance entre l’un des malades et une infirmière
Mais l’intérêt du récit tient surtout à l’exploration non seulement du fonctionnement d’un service de cancérologie où quelque soit l’origine sociale chacun se retrouve face au mal et les différentes manières d’y réagir vis-à-vis des traitements mais également de la mort. Le fonctionnement du système politique après la seconde guerre mondiale n’est pas mis de côté car certains personnages ont été prisonniers dans des camps mais une fois sortis des camps les exactions ne sont pas arrêtées là car certains ont dû faire face à la relégation ou au bannissement et d’autres ont dénoncé des personnes pour en tirer avantages, grimper dans l’échelle dirigeante, avoir le sentiment d’un certain pouvoir, craignant désormais de subir des représailles, l’action se situant au moment de la déstalinisation.
Alexandre Solejnitsyne ayant lui-même été atteint à deux reprises d’un cancer a mis, je pense, beaucoup de lui-même dans ce roman, fournissant nombre de détails sur le déroulé des traitements, le ressentiment en tant que malade et les réactions de chacun des occupants de la salle commune mais également sur l’observation des équipes de traitants et personnel d’entretien, montrant le manque de moyens dont disposent les hôpitaux mais également la charge mentale d’une cheffe de service devant faire face à des hommes tout puissants.
Mais j’ai corné la page où je me suis arrêtée car je n’abandonne pas l’idée de le reprendre un jour, là où je l’ai abandonné, car même si l’ambiance me minait le moral mais surtout la lassitude des récits de chacun d’eux que j’avais bien du mal à situer en dehors des deux personnages principaux, j’ai trouvé l’écriture vivante et même parfois très belle (je vous mets quelques extraits ci-dessous) je me suis rendue compte que j’avais du mal à le reprendre et à m’y intéresser. Les pavés ne me font pas peur mais il faut qu’ils m’invitent à tourner les pages, qu’il y ait de quoi susciter soit ma curiosité (et ici c’était le cas) mais qu’également je n’ai pas un sentiment d’ennui, de longueurs.
C’est un ouvrage ambitieux qui traite à la fois d’une maladie où la mort était à l’époque le plus souvent la seule issue, mais également d’un mal, celui d’un régime politique totalitaire avec ce qu’il entraîne comme comportements chez les hommes mais qui, pour ma part, aurait peut-être gagné à moins de personnages pour pouvoir mieux les identifier.
Ce n’est pas une lecture difficile en soi et même instructive mais c’est finalement la longueur et la quantité de narrateurs qui font que j’ai eu envie de les laisser à leurs tristes sorts pour la plupart d’entre eux mais je leur rendrai peut-être une visite, plus tard pour savoir ce qu’ils sont devenus, car il y a une fine analyse non seulement psychologique mais également sociétale et humaine.
Non, pas à vie, à perpétuité ! insistait Kostoglotov. Sur le papier c’était écrit en toutes lettres : à perpétuité. Si c’était à vie, alors on pourrait au moins rapatrier mon cercueil par la suite, mais c’est à perpétuité – c’est sûrement interdit de ramener le cercueil. Le soleil pourra s’éteindre, ça n’y changera rien à rien, l’éternité, c’est encore plus long…. (p263)
Et voici que maintenant commençait une nouvelle époque, trouble et malsaine, où il fallait rougir au souvenir de ses plus beaux actes de civisme ! Ou même craindre pour soi ! (p299)
Roussanov lui jeta un regard sauvage et il eut alors la sensation cuisante qu’il ne pouvait plus tourner la tête sans tourner le torse tout entier, comme Ephrem. Cette excroissance affreuse à son cou appuyait en haut sur sa mâchoire et en bas sur sa clavicule (…) Là entre sa mâchoire et sa clavicule, il y avait son destin. Son tribunal. Et devant ce tribunal, il n’avait plus ni relations, ni mérites, ni défense. (p310)
Traduction de Alfreda et Michel Aucouturier, Lucile et Georges Nivat et Jean-Paul Sémon
Editions France Loisirs – 1976 – 781 pages
Mais je n’avais pas dit mon dernier mot ! Je retourne farfouiller dans ma PAL et sort un livre tout jauni, acheté je ne sais où et qui parle d’une période bien sombre de notre histoire de France, la Terreur durant la révolution. Il s’agit de :
Hors la loi sous la Terreur de Jacques Hérissay
Jacques Hérissay était un écrivain historien français, mort en 1969, spécialisé dans les écrits sur la Révolution française et surtout à travers la religion catholique.
Il s’agit d’un recueil de 12 récits relatant la fuite de prêtres ayant refusé de prêter serment à la Constitution à partir de 1789 leur enjoignant de ne recevoir que d’elle des ordres et non plus du pape et de se dessaisir de leurs biens et pratiques religieuses.
J’ai été intéressée en début de lecture par l’évocation d’une chasse aux hommes religieux avec « Les martyrs d’Orléans » car j’y ai retrouvé beaucoup de détails géographiques d’une ville où j’ai vécu plusieurs années. Mais arrivée en milieu d’ouvrage je trouvais que les faits, quelque soit la ville, étaient toujours les mêmes : fuites, stratégies pour trouver des refuges et continuer la pratique religieuse allant parfois jusqu’à se déguiser en personne du sexe opposé, dénonciations, jugements et verdicts hâtifs avec exécution immédiate (la période portait le nom de Terreur et ce nom n’était pas usurpé la guillotine fonctionnant à plein régime).
Une fois de plus au début cela fonctionnait bien puis le côté répétitif des situations ne m’apportait pas satisfaction et plaisir. Rien là non plus à redire sur l’écriture mais ce sont des récits certes très documentés mais mon esprit revenant d’un service de cancérologie sous Staline n’était pas disposé à être confronté à un autre régime sanglant tel que la Terreur.
Voilà…. Je n’ai pas eu de chance dans mes choix (mais je garde Soljenitsyne sous le coude car j’ai vraiment envie d’aller au bout) et je pense que le mois prochain avec comme thème « Elémentaire mon cher Watson » et donc des romans policiers classiques je vais sans peine trouver mon bonheur…..
[…] Moka, Natiora, L’ours bibliophile, Lolo, Marie-Claude (dont c’est le premier billet!), Mumu, Une comète […]
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« Le pavillon des cancéreux » est dans ma bibliothèque depuis trente ans, éditions France Loisirs et je n’ai jamais pu m’y mettre 🙂
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Même édition que moi, je viens de le remettre dans ma PAL avec sa page cornée 😉
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Je vois que tout comme moi tu as connu des péripéties avec le thème et les livres. Bon j’ai fini par trouver mon bonheur, nul doute que le mois prochain sera plus prolifique pour toi ( le thème est chouette) 🙂
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pour Alexandre Solejnitsyne je te comprends, et le sujet ..
tout ne peut pas être fantastique ! tu le reprendras peut-être et ira jusqu’au bout
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Dommage pour ces deux lectures mitigées. A ta chronique, je perçois parfaitement les raisons de ta lassitude, j’aurais peut-être bien partagé ce sentiment.
Je te souhaite de plus belles lectures pour le mois prochain !
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Tu auras le mérite d’avoir essayé et persévéré avec tes deux lectures. J’espère que le mois prochain te réconciliera avec les classiques et te sera plus favorable.
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Je ne suis pas désespérée et j’ai tellement de plaisir à les découvrir et puis je pense que je retournerai dans Le pavillon des cancéreux…… Une lecture en deux fois sera peut-être plus propice pour l’apprécier vraiment 🙂
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Je viens pour lire ta réponse à mon commentaire et… je ne trouve plus mon commentaire. Il n’est pas passé?
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Il semblerait….😉
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Je disais simplement que Le pavillon des cancéreux avait rejoint ma liste d’envies il n’y a pas plus tard que le mois dernier. Je viens de le rayer. Tes mots, plus quelques extraits lus m’ont dissuadée. Trop long, ce roman!
Par ailleurs, j’adore la couverture bien vintage du Hérissay.
Disons que ça n’a pas été simple pour toi, ce mois-ci, côté classiques!
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Si je reprends un jour ma lecteur du Pavillon des cancéreux, je te dirai ce que j’en pense….. Peut-être qu’en deux fois cela passera mieux ! 🙂 Bon week-end 🙂
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Le pavillon des cancéreux ( déjà ce titre…) m’a l’air bouleversant mais à petites doses… 😁
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[…] XVIIIe siècle – Mumu nous a proposé l’épisode de la Terreur dans le livre Hors la loi sous la terreur de Jacques […]
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Aucun des deux ne me tente. La maladie est un sujet qui peut rapidement m’anéantir et là, sur des centaines de pages, ça ne va pas être possible ^^ Quant au 2è, ma foi, il est évident que ça ne fait pas envie du tout !!
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Le pavillon des cancéreux a été remis dans ma PAL avec sa page cornée car il est malgré tout intéressant (j’en ai quand même lu 400 pages) mais assez indigeste quant à la longueur. Par contre les caractères de chacun et pensées sont bien perçues et restituées mais il y a tellement de personnages aux noms si semblables que l’on a parfois du mal à s’y retrouver 🙂
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Le pavillon des cancéreux est dans mes projets de lecture depuis des années, j’avais été happée lors d’une lecture à la radio, mais je n’ai encore jamais été raccord avec ma motivation pour m’y plonger véritablement 😉
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