Jours de sable de AimĂ©e De Jongh – Coup de đŸ§Ą

Etats-Unis, 1937. John Clark, un photoreporter de 22 ans, est engagĂ© par la Farm Security Administration, un organisme gouvernemental chargĂ© d’aider les fermiers victimes de la Grande DĂ©pression. Sa mission : tĂ©moigner, grĂące Ă  la puissance d’Ă©vocation de la photographie, de la situation dramatique des agriculteurs du Dust Bowl. SituĂ©e Ă  cheval sur l’Oklahoma, le Kansas et le Texas, cette rĂ©gion est frappĂ©e par la sĂ©cheresse et par des tempĂȘtes de sable spectaculaires qui plongent les habitants dans la misĂšre, poussant bon nombre d’entre eux Ă  migrer vers la Californie.
Mais au fil du temps, John comprend que, pour accomplir sa tĂąche, il devra surmonter un obstacle bien plus grand qu’un climat hostile…

Ma lecture

Ce roman graphique est une pure merveille. DĂšs que je l’ai ouvert je n’ai pu m’en dĂ©tacher tellement je retrouvais ce que John Steinbeck Ă©voquait dans Les raisins de la colĂšre ayant d’ailleurs souvent en couverture une photographie de Dorothea Lange cĂ©lĂšbre pour sa photo, Migrant Mother, qui a elle seule rĂ©sume tout le livre.

Milieu des annĂ©es 1930 – A la jonction de l’Oklahoma, cet Ă©tat en forme de poĂȘle, du Texas et du Kansas s’est produit un Ă©trange phĂ©nomĂšne climatique, le Dust Bowl, dĂ» Ă  une absence de pluies et Ă  des techniques agricoles inappropriĂ©es se traduisant par des tempĂȘtes de poussiĂšre qui obscurcissent le ciel, l’air et s’infiltrent dans toutes les maisons et organismes humains provoquant maladies, pauvretĂ©, famines, migrations et dĂ©cĂšs.

Au sortir de la crise de 1929, John Clark, jeune photoreporter dĂ©croche un travail de photoreportage dans cette rĂ©gion afin de fournir Ă  un organisme gouvernemental des clichĂ©s reprĂ©sentatifs de la crise traversĂ©e par les populations. Mais les photographies peuvent-elles, Ă  elles seules, ĂȘtre les tĂ©moins d’un drame ? Qui se sont ceux qui prennent la pose ? Quelles sont les Ă©preuves rĂ©ellement traversĂ©es par ces hommes, ces femmes et ces enfants ? C’est ce dont John Clark va prendre conscience aprĂšs avoir, dans un premier temps, suivi une check-list fournie par son employeur des thĂšmes Ă  reprĂ©senter mais peu Ă  peu et au contact de ses sujets, il va ĂȘtre confrontĂ© aux drames qui l’entourent car il ne s’agit plus de reprĂ©sentations sur papier glacĂ©, certes utiles et nĂ©cessaires pour informer, garder une trace, figer les faits, les visages mais d’ĂȘtres humains avec leur dignitĂ© malgrĂ© les dĂ©boires rĂ©sultant d’un phĂ©nomĂšne en partie consĂ©cutif de l’activitĂ© humaine et provoquant abandons des terres mais des dĂ©gĂąts dans les corps jusqu’Ă  la mort parfois.

VoilĂ  le genre de roman graphique qui porte un coup au cƓur comme les romans de Steinbeck vous saisissent Ă  la fois par sa brutale rĂ©alitĂ© mais Ă©galement par la beautĂ©, dans le cas de l’Ă©crivain, de l’Ă©criture superbement rĂ©aliste, tĂ©moin de son temps et d’une actualitĂ©. Ici ce sont les illustrations qui se suffisent Ă  elles-mĂȘmes, l’ajout des textes permettant uniquement de mieux comprendre l’ampleur d’un phĂ©nomĂšne qui entraĂźna, entre autres les migrations dĂ©crites par Steinbeck.

AimĂ©e De Jongh confronte le travail du photographe, arrivant sur le terrain, dĂ©terminĂ© Ă  remplir la tĂąche qui lui incombe dans une pĂ©riode oĂč le moindre travail Ă©tait source de revenus, Ă  la rĂ©alitĂ© de son sujet, prenant conscience d’un drame humain dont il observe peu Ă  peu toutes les consĂ©quences qui ne sont pas seulement Ă©noncĂ©es en mots sur une liste mais en preuves concrĂštes, sous ses yeux, comme la poussiĂšre qui envahit tout, qui s’infiltre partout jusque dans ses appareils photos laissant la trace indĂ©lĂ©bile de ceux qui ont tout perdu.

En mĂȘlant photographies de l’Ă©poque Ă  son rĂ©cit et en fin d’ouvrage les explications sur un drame oubliĂ©, l’auteure donne un pouvoir visuel Ă  son ouvrage certes mais Ă©galement une rĂ©flexion philosophique sur ce que l’image ne peut traduire. J’ai Ă©tĂ© saisie par ces visages mais Ă©galement la prise de conscience de John Clark rĂ©alisant que son appareil ne peut tout restituer, ce qu’il a vu, vĂ©cu et , ressenti aux cĂŽtĂ©s de ceux qui tentent de survivre et donnent Ă  ceux-ci une rĂ©elle existence.

C’est un magnifique travail Ă  la fois graphique et d’Ă©criture mais Ă©galement artistique qui se veut Ă©galement un vibrant hommage Ă  John Steinbeck mais surtout au travail des photographes comme Dorothea Lange qui, grĂące Ă  leurs photographies, ont su saisir et transmettre ce que son objectif voyait et ce que son esprit vivait.

Enorme Coup de 🧡

Traduction JérÎme Wicky

Editions Dargaud – Mai 2021 – 288 pages

Ciao 📚

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22 réflexions sur “Jours de sable de AimĂ©e De Jongh – Coup de đŸ§Ą

  1. « un vibrant hommage Ă  John Steinbeck mais surtout au travail des photographes comme Dorothea Lange » (..) Tu as tout dit pour me convaincre de l’acheter le mois prochain car ce mois-ci j’ai fait pas mal d’achats BD/livres.. que veux tu je suis faible face aux tentations livresques ^^😉 Je vais le mettre dans ma PAL Babelio du coup. J’adore quand tu parles romans graphiques, BD.. 🙂

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