Jalousie, en milieu ouvrier, d’une femme trompée par son mari avec sa propre sœur. Signes dont on voudrait croire qu’ils nous leurrent, mais qui sont d’une clarté douloureuse. Travail quotidien, pour tout faire comme avant : la maison, les enfants. Patience, humiliation d’une femme pour garder auprès d’elle Gilles, le seul homme qui existe pour elle, pour le consoler quand l’autre se sera détachée de lui. Amour tellement grand, désir tellement fort qu’il a tout pris de son corps et qu’il ne restera plus rien à la femme de Gilles pour être elle-même…
Ma lecture
C’est grâce à la lecture de chroniques de blogs auxquels je suis abonnée que j’ai découvert ce roman et il est entré discrètement dans ma liste d’envies et y est resté. Merci donc à Mes pages versicolores et Le livre d’après d’avoir suscité ma curiosité sur ce court roman de la littérature belge et d’une autrice que je connaissais pas du tout.
Et, monotone, la vie qui s’écoulait tout naturellement dans le bonheur s’écoula dans le malheur, tout naturellement. (p33)
Elisa et Gilles forment un couple heureux : lui travaille à l’usine de hauts fourneaux, elle s’occupe de sa maison, de ses deux petites jumelles et du bien-être de Gilles car Gilles est son homme, son amour, elle ne vit qu’à travers son foyer, ses tâches ménagères, la routine de sa vie monotone mais qu’elle aime, rythmée par celui qui part et revient du travail et illumine ses heures. Alors qu’un nouvel enfant est annoncé, Elisa voit Gilles changé, il s’absente, il devient plus sombre et elle comprend très vite qu’une autre femme est entrée dans sa vie et que celle-ci ne lui est pas étrangère puisqu’il s’agit de sa jeune sœur, Victorine (j’ai trouvé le choix des prénoms des deux femmes très appropriés : la douceur d’Elisa face à une Victorine qui vit sans questionnement ni morale, ne pensant qu’à ses victoires et sa vie). Va alors commencer pour le couple une relation faite d’acceptation, de confiance, d’abnégation mais pourront-ils retrouver ce « bonheur simple » qui les unissait, peut-on sauver les apparences où est-ce que la blessure est-elle plus profonde que ce qu’elle laisse paraître.
Quel merveilleux roman d’amour et de jalousie, un magnifique portrait de femme, un roman sur une famille ouvrière, vivant simplement et se satisfaisant des petits bonheurs que leur offre l’existence jusqu’au moment où la folie amoureuse pousse la porte de leur foyer, que Gilles se confie à celle qui est à la fois sa femme et sa meilleure amie, celle qui peut le comprendre, qui accepte de l’aider d’autant que le ver se trouve dans propre famille.
Madeleine Bourdouxhe grâce à la simplicité de son écriture restitue totalement à la fois le contexte social, la région (la Belgique ou le Nord de la France), une époque (je le situerai dans les années 1950 alors que la femme est dépendante de son mari car souvent sans emploi, le quotidien d’une femme au foyer, mais également le caractère d’Elisa qui ne semble exister que parce qu’elle est « la femme de Gilles », sans lui, sans sa présence et son amour, elle n’est plus rien. A force l’usure apparaîtra et pas seulement sur ses mains usées par les lessives et les tâches ménagères mais également dans son esprit et dans son cœur. Jamais un mot plus haut que l’autre, pas de violences, pas de cris mais cela ne l’empêche pas de voir, d’écouter, de traduire ce qu’elle voit, ce qu’elle entend, ce qu’elle ressent et d’agir voulant à tout prix préserver ce qu’elle a de plus cher. C’est profondément intimiste et fort dans le séisme qui s’introduit chez elle.
Certes on peut trouver Gilles égoïste, sans aucun égard pour sa femme, ne se rendant pas compte de la souffrance que la découverte de son infidélité et ses aveux vont provoquer chez elle et face à lui Elisa, écoutant, patiente et dévouée, trouvant des subterfuges pour le guérir du mal d’amour mais ne dit-on pas que l’amour est aveugle et que la maladie d’amour est difficile à guérir et ici cela s’applique pour les deux membres du couple…
Un homme comme Gilles pleure drôlement : il hoquette deux ou trois fois, presque sans larmes, mais cela suffit pour lui donner un besoin de tendresse, de consolation…. (…) Et il parle. Non point pour lui expliquer à elle, mais pour se soulager lui, il parle avec si peu de précaution, si naïvement que si elle n’était pas prévenue elle ne pourrait résister au coup qu’il lui porte. (p92)
Alors on pourra se révolter par l’attitude résignée d’Elisa, par celle aveugle de Gilles mais le responsable dans tout cela c’est l’amour quand il rend fou, quand il détruit, quand on croit que tout peut être reconstruit, qu’il suffit de tourner la page. Voilà c’est cela La femme de Gilles, l’histoire d’une femme qui n’a comme seul trésor que son mari, sa maison, ses enfants, sa famille et qui ne rêve que de cela, de retrouver ce qu’elle a perdu et qui ne peut rien envisager d’autres.
Il y a eu une adaptation au cinéma en 2004 de Frédéric Fonteyne avec Emmanuelle Devos, Clovis Cornillac et Laura Smet (film que je n’ai pas vu mais dont je vous mets la bande annonce ci-dessous) et je ne vous cache pas qu’à la première occasion je le regarderai pour y retrouver j’espère tout le charme du roman où se mêlent la douceur d’Elisa à la brutalité du comportement de Gilles, l’insouciance de Victorine et le comportement d’un milieu familial qu’Elisa tente de préserver malgré tout.
Est-ce encore nécessaire de vous dire que j’ai beaucoup aimé et comme j’aimerai vous inciter à le lire je le propose pour l’Objectif PAL de Février chez Antigone car il mérite réellement le détour et d’être un peu plus exposé.
Editions Actes Sud – Mars 2005 – 155 pages
Quel bonheur (oui oui) de voir un de mes romans préférés ici 🙂
Ce livre, je l’ai découvert grâce à une lecture scolaire et je suis tombée sous le charme instantanément. Et puis, je l’ai relu, notamment pour notre challenge et l’émotion était toujours aussi forte. L’écriture est si belle (et certaines phrases sont de vrais bijoux)
Tu peux sans problème visionner l’adaptation, je l’ai trouvée très réussie.
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Encore merci pour ce petit bijou livresque….. J’en demande et redemande 🙂
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J’avais vu le film, à la télé je crois, j’avais beaucoup aimé, un film terriblement humain, et Emmanuel Devos extraordinaire comme toujours. Grrr, tu me donnes envie de lire le livre, il me faudrait plus de temps 😉
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Il est très court alors on trouve sans problème le temps 😉
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Il est noté dans mes indispensables 😉
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J’attends ton retour 😉
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J’avais aussi beaucoup aimé ce roman, que j’ai trouvé très émouvant. Je ne savais pas qu’il existait un film.
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Je note à mon tour, le livre et le film ( avec Emmanuelle Devos, c’est forcément bien …) Rien que l’extrait que tu as inséré dans ton article me touche !
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J’aime bien le roman qui « est entré discrètement dans ma liste d’envies et y est resté »… c’est le cas de certains bons livres alors que d’autres, dont on parle beaucoup, en sortent très vite !
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je ne connaissais ni le roman (découvert sur le blog de F) ni le film (et pourtant j’adore Emmanuelle Devos) du coup là je note !
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Je vais me contenter du film 😋
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pas lu ce livre mais j’avais adoré le film !! Emmanuelle Devos, comme toujours, y est merveilleuse…
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Comme toi, je l’ai noté suite au billet tentateur de Fanny. Il ne me reste plus qu’à mettre la main dessus.
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Je l’ai trouvé d’occasion 🙂
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J’avais lu A la recherche de Marie de la même autrice. Très bien aussi ! 😉
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[…] Mumu […]
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