Espagne, années 1930. Des paysans s’éreintent dans les rizières du delta de l’Èbre pour le compte de l’impitoyable Marquise. Parmi eux grandit Toya, gamine ensauvagée qui connaît les parages comme sa poche. Mais le pays gronde, partout la lutte pour l’émancipation sociale fait rage. Jusqu’à gagner ce bout de terre que la Guerre civile s’apprête à faire basculer.
De son écriture habitée par la sensualité de la nature, Laurine Roux nous conte, dans L’Autre Moitié du monde, l’épopée d’une adolescente, d’un pays, d’une époque où l’espoir fou croise les désenchantements les plus féroces. Une histoire d’amour, de haine et de mort.
Ma lecture
Face à la fenêtre, face aux bassins qui se chauffent aux lueurs d’automne, elle remâche les paroles de Toya. les époques se tressent, les destinées aussi, et tout afflue ici, dans le delta.(p249)
Espagne – Vallée de L’Ebre – Troisième roman de Laurine Roux et troisième lecture pour moi de cette autrice. Après Une immense sensation de calme, Le Sanctuaire elle change totalement d’orientation, passant de la dystopie à un récit avec pour toile de fond l’histoire, celle de l’Espagne dans les années 1930, au moment où monte dans une moitié de la société un sentiment de colère et d’injustice face à ceux qui ont et possèdent tout : pouvoir, argent et même parfois droit sur les corps, droit de vie et de mort sur ceux qu’ils exploitent.
Pour le faire, l’autrice nous immerge au sein d’un couple : Juan et Pilar, parents de Toya, âgée d’une douzaine d’années en début de récit. Lui travaille dans les rizières, elle comme cuisinière au château de la Marquise Dona Serena, son époux étant souvent par monts et par vaux et de son fils Carlos, propriétaires non seulement des sols mais également des humains dont ils jouissent sans vergogne. C’est autour de Toya que gravite le récit, une enfant souvent livrée à elle-même, illettrée, qui va apprendre non seulement comment le monde se divise, s’unit mais également s’affronte, comment les mots et les notes de musique peuvent adoucir les douleurs et les nommer, comment les humains peuvent être capables du pire comme du meilleur.
J’ai trouvé les personnages et en particulier celui de Pilar (la mère) très représentatif d’un peuple, dans sa douleur, ses silences, sa honte et dans son incapacité à dénoncer, le tout dans une écriture presque haletante, urgente tant l’oppression comprimait les cœurs et les corps, tant la colère montait l’autrice mêlant à la fois l’amour de la terre, du lieu, du Delta qui coule dans les veines tel le sang, les sens avec les odeurs, les touchers mais aussi la rage, la vengeance et la manière d’y parvenir. Afin de nous offrir une respiration face à tant de misère, de brutalités, Laurine Roux nous offre « une parenthèse » qui se déroule dans l’après, bien après, où d’autres luttes et affrontements sont menés par Luz et Pedro permettant ainsi de connaître le devenir de ses personnages.
Même si j’ai pris beaucoup de plaisir à ce roman et j’avoue même l’avoir dévoré tant l’histoire (la petite) de cette famille sur fond de l’Histoire (la grande, celle du pays où frémissent les premiers signes qui conduiront à la guerre civile et comme souvent aux massacres humains dont la terre et les mémoires ont longuement porté les traces) une fois le livre refermé et avec un peu de recul j’ai quelques petites remarques telles que : les portraits un peu trop poussés dans la caricature, presque à l’excès, des possédants même si je ne conteste nullement qu’il en fut souvent ainsi, le lien entre Toya et Horacio l’instituteur prévisible quant à son déroulement et son issue. Vous allez trouver que je cherche le petit « hic » mais je n’aime pas retrouver dans « x » romans les mêmes clés, le même tronc commun et tellement usité, même si je conçois que nous sommes dans le romanesque historique et que ceux-ci servent à relater l’Histoire, celle d’un pays et d’une époque.
Alors malgré ces quelques bémols ressentis je ne bouderai pas mon plaisir à vous avouer que j’ai beaucoup aimé cette lecture, vraiment beaucoup, j’ai suivi le destin inéluctable des différents personnages, revu des images inscrites dans ma mémoire après avoir vu certains documentaires sur cette guerre interne, les espoirs portés par toute une partie d’un peuple, de celui de l’autre moitié du monde, pour changer le rapport de force afin de retrouver dignité, justice et respect et comment les espoirs furent anéantis dans le sang et l’exode. Et puis il y a l’écriture très imagée et rythmée de Laurine Roux, riche en détails symboliques qui illustre parfaitement le contexte des êtres, de l’histoire, des sentiments, des sensations.
Pourtant, ça aurait pu continuer comme ça pendant des siècles. Personne ne dira le contraire. Alors, qu’est-ce qui les a poussés à cesser le travail ce jour-là ? (…) Allez savoir pourquoi, cette fois-ci c’est différent… Certains allègueront que les événements se produisent quand ils sont mûrs. Ce matin, c’était une grenade pleine à craquer de jus : il a suffi d’en effleurer la peau pour qu’elle explose. (p113)
J’ai beaucoup aimé et trouvé très réussi le passage entre l’imaginaire de ses deux précédents ouvrages à celui d’un contexte historique et celui-ci confirme à la fois une plume mais également une écrivaine capable de naviguer dans diverses zones avec succès.
Editions du Sonneur – Janvier 2022 – 252 pages
J’avais envie de lire ce titre mais je viens de terminer Le sanctuaire et je ne suis pas convaincue. En relisant le résumé je me suis aperçue que j’avais lu son premier roman mais que je n’en garde qu’un souvenir vague. Je pense qu’en fin de compte cette autrice n’est pas pour moi.
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Celui-ci est d’un genre totalement différent… Essaie une dernière fois 😉
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Je te fais confiance alors 😉
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Je croise les doigts et espère que celui-ci te convaincra 😉
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Belle chronique sur une autrice que je découvre. Les thèmes et les citations me plaisent. Je note pour une prochaine lecture…
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Une autrice que j’aime beaucoup et celui-ci est bien noté.
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