Le meunier d’Angibault de George Sand

LES ENFANTS DU SIECLE MOKA

Pour ce dernier rendez-vous du challenge j’ai opté pour le XIXème siècle car j’avais l’ambition de lire plusieurs ouvrages de romancières ou d’écrivains de cette période mais le temps va me manquer finalement pour le faire…

Le premier que j’avais choisi dans ma PAL est Le Meunier d’Angibault, un roman de George Sand, peut-être pas le plus connu et justement c’est ce qui m’intéressait : ne rien en savoir à l’avance mais si je savais les ambiances de prédilections de George et que le décor est parfois prétexte à une exposition d’idées…..

Ma lecture

GEORGE SANDLE MEUNIER D'ANGIBAULTLe décor tout d’abord : Le Berry  (bien sûr) qu’elle chérissait et où elle aimait séjourner (Nohant). Les personnages : des femmes avec comme personnage central Marcelle, jeune veuve de 22 ans, mère d’un jeune enfant et « débarrassée » de son baron de mari à la vie tumultueuse et ruineuse, un cousin portant le même nom qu’elle, décédé en duel et la laissant avec, certes un titre, un château mais aussi des dettes…… Beaucoup de dettes mais pas de larmes car cette disparition lui ouvre de nouveaux horizons et des projets.

Elle éprouve un doux et chaste sentiment pour Henri Lémor, un homme de son âge, sans le sou et aux idées démocratiques, envisage de vivre avec lui une existence simple et se donne un an pour être sur un pied d’égalité financière avec celui qu’elle aime (une idée dans l’air du temps actuellement, revenir à l’essentiel et une vie que j’ai choisie car j’ai découvert que le bonheur n’est pas dans la richesse). Marcelle, George et moi nous sommes faites pour nous entendre et nous comprendre.

En se rendant sur les terres conjugales dans le Berry pour évaluer et prendre des dispositions quant à la manière dont elle va régler sa vie future et l’héritage qui reviendra un jour à son fils, elle va faire la connaissance du Grand-Louis, Le Meunier d’Angibault, amoureux de Rose, fille de Bricolin, un riche paysan ayant construit sa fortune à force de manigances, roueries et avarices. Et justement les biens de Marcelle l’intéresse, en ayant déjà pris possession d’une partie du château suite à des pertes financières du défunt baron, il va profiter de la méconnaissance de Marcelle sur la valeur des biens pour la spolier. Marcelle, elle, veut avant tout protéger son fils de la ruine, qu’il reçoive un minimum à sa majorité et non une accumulation de dettes à régler : elle accepte donc.

D’un côté vous avez Marcelle et Henri, elle porteuse d’un titre et supposée argentée, lui pauvre et ne voulant pas vivre à ses crochets, de l’autre, Grand-Louis et Rose, lui homme sans argent mais riche d’honnêtetés et beautés d’âme, épris de Rose dont le père n’envisage aucun mariage possible avec un homme qu’il estime en dessous de sa nouvelle condition de fermier et presque bourgeois.

Les acteurs sont en place et comme à son habitude, George Sand, mêle à son histoire ses propres idées, regards et espoirs sur les conditions qu’elles soient sociales, féminines sans oublier la vie de ceux qui peuplaient le pays qu’elle chérissait tant, observait et où elle puisait son inspiration.

 -Vous ne connaissez pas, mon brave, la méchanceté de ceux qui s’intitulent gens du monde, singulière dénomination, n’est-ce-pas ? et juste pourtant à leurs yeux, puisque le peuple ne compte pas, puisqu’ils s’arrogent l’empire du monde, puisqu’ils l’ont toujours eu, et qu’ils l’ont encore pour un certain temps ! … (p220)

Elle nous immerge au milieu des combats de classe : de ceux qui veulent monter dans l’échelle sociale n’hésitant pas à user de stratagèmes pour s’enrichir aux dépends des autres (Bertolin) mais aussi du bonheur des ses proches, ses deux filles, l’une, l’aînée devenue folle après le refus de son mariage avec Paul et errant dans la forêt en guenilles et Rose qui doit cacher son amour pour le Grand-Louis car il ne possède pas la fortune que son père juge nécessaire. Par contraste elle oppose Henri Lémol qui craint que la « supposée » fortune de Marcelle soit un obstacle à leur amour….. Argent et Amour seraient-ils incompatibles …..

Inutile de vous dire que tout cela va donner de magnifiques scènes champêtres avec ce qu’il faut de descriptions et explications sur les us et coutumes berrichonnes, des revirements tout cela accompagné d’une évocation des luttes sociales chères à George Sand : les classes sociales, les prostituées, la soumission au chef de famille, l’argent, le mariage, le pouvoir etc…..

Paru en 1845, l’autrice découpe son roman en cinq journées décisives dans la vie de ses personnages qui les verront faire à la fois un bilan de leurs existences mais également de ce qu’ils souhaitent pour l’avenir,  doutant pour certains que le bonheur et la justice soient dans l’opulence mais s’orientant vers une vie simple avec de vraies valeurs humaines,  pour d’autres de trouver les moyens de flouer pour s’enrichir et s’élever dans la société pensant y trouver pouvoir, reconnaissance . En féministe affirmée, George Sand n’oublie pas de prendre en compte la condition de la femme, mariée, veuve ou pauvre, dépendante des hommes mais également de celles qui ne possèdent plus rien que leur corps pour subsister.

Je voudrais bien savoir, pense-t-elle, pourquoi nous méprisons tant les filles entretenues. Elles se font donner ce que nous pouvons nous donner à nous-mêmes. (…) Et si l’on voulait bien comparer nos mariages indissolubles avec leurs unions passagères, verrait-on beaucoup plus de désintéressement chez les jeunes filles de notre classe ? (p49)

C’est une lecture plaisante pour qui, comme moi, a depuis longtemps compris que le bonheur était dans le pré la campagne, la nature, que l’argent ne faisait pas le bonheur (mais le manque d’argent non plus), que la femme devait prendre son destin en main, que l’humanité se trouvait pas en fonction de l’épaisseur du portefeuille, qui aime les classiques qui trouvent souvent un écho dans notre vie actuelle et les auteur(rice)s qui au-delà d’un roman rural auscultent le monde et la société et partagent leurs idées en fond de leurs histoires.

-Nous vivons donc dans un temps où les devoirs se contredisent ? car on n’a la puissance de l’esprit qu’avec les lumières de l’instruction, et l’instruction qu’avec la puissance de l’argent : et pourtant, tout ce dont on jouit, tout ce qu’on acquiert, tout ce qu’on possède, est au détriment de celui qui ne peut rien acquérir, rien posséder des biens célestes et matériels. (p350)

J’ai beaucoup aimé.

Lecture dans le cadre du challenge Les classiques c’est fantastique Saison 2 orchestré par Moka Milla et Fanny (et je vous l’annonce dès maintenant je rempile pour la Saison 3……)

Editions Le livre de poche – 460 pages

Ciao 📚

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15 réflexions sur “Le meunier d’Angibault de George Sand

    • Oui je trouve aussi en particulier au niveau des autrices un siècle révolutionnaire : une pléiade de plumes, des idées, elles sortent de leurs carcans et s’affirment et dans beaucoup de pays mais avec pour moi un attachement particulier à la littérature anglaise 🙂

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  1. J’adore George Sand et n’ai pas lu ce titre, que je m’empresse de noter. Oui c’est fabuleux de lire les auteurs des siècles précédents, de voir qu’ils rencontraient les mêmes tracas que ceux que l’on peut rencontrer, çà plonge au coeur de l’humanité et pour ma part je trouve cela plutôt apaisant…belle semaine, Mumu ! Belles lectures !

    Aimé par 1 personne

    • J’avais beaucoup aimé La petite Fadette mais il s’agissait plus d’un récit rural alors qu’ici il y a une prise de position sur les classes sociales et le bonheur par rapport à l’argent et j’aime beaucoup quand derrière le récit il y a des idées, du fond 🙂

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  2. Je pensais lire aussi du 19e siècle mais j’ai préféré du contemporain..(j’aurais peut-être dû suivre ma première idée)
    Je n’ai pas lu cette oeuvre-ci de Sand et je me rends compte que je n’ai lu que La Mare au diable en version abrégée.
    Cette femme a un destin incroyable, je suis heureuse de la voir ici.

    Aimé par 1 personne

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