Chienne et louve de Joffrine Donnadieu

CHIENNE ET LOUVE IG« Je veux respirer sur scène, entendre les trois coups chaque soir, commettre des crimes, des infanticides, des adultères, aimer éperdument, haïr follement, voyager à travers les époques, changer de sexe, m’empoisonner, mourir, renaître. »
Romy, vingt ans, arrive à Paris avec le rêve d’être comédienne. Pour subsister et payer le Cours Florent, elle travaille dans un club de strip-tease à Pigalle. Odette, vieille fille de quatre-vingt-neuf ans, la loge contre un loyer modique et un peu de compagnie. String à paillettes et crucifix devront faire bon ménage. Deux femmes s’apprivoisent, entre chien et loup. Elles nouent une relation faite de fascination et de dépendance, se renvoyant en miroir leurs corps meurtris, leurs solitudes, leurs folies, leurs enfances volées et surtout leur désir de vivre. Dans cette emprise mutuelle, jusqu’où seront-elles capables d’aller ?

Ma lecture

Romy a 20 ans et quitté sa famille pour rejoindre Paris et tenter de devenir comédienne et pour cela elle est prête à tout. Elle est entrée au célèbre cours Florent et afin de payer ses cours, elle occupe un emploi  de strip-teaseuse à Pigalle où elle s’offre aux regards des hommes en s’effeuillant et davantage pour quelques euros supplémentaires. Jusqu’à maintenant elle squattait à droite et à gauche mais lui est offert l’opportunité d’occuper, contre une présence et une aide, une chambre dans l’appartement d’Odette, 89 ans. La cohabitation va alterner entre rapprochements et confrontations durant les trois années où elles vont vivre côte à côte devenant tour à tour chienne ou louve. Romy est prête à tout pour réaliser son rêve de comédienne et tourner la page d’une enfance martyrisée.

Je n’ai découvert que presqu’arrivée à la fin du roman qu’il était finalement la suite d’un précédent roman de Joffrine Donnadieu, Une histoire de France, qui évoquait l’enfance douloureuse de Romy, alors âgée de 9 ans et subissant de la part d’une voisine, France, d’abus sexuels, partagée entre son attachement à sa tortionnaire et l’indifférence de ses parents.

Chienne et Louve peut se lire sans pour autant avoir lu le précédent, comme je l’ai fait, car Romy évoque de temps à autre son passé qui peut d’ailleurs éclairé sur son comportement que ce soit dans la manière « extrémiste » de trouver de quoi payer ses cours mais également dans sa manière de vivre que ce soit à travers l’anorexie dont elle souffre mais également dans son rapport aux hommes et à son corps.  Mais un jour, Jean, la soixantaine va croiser sa route…

Je ne suis vraie que lorsque je me tiens sur le plateau ou que je m’y projette. Le reste du temps, je me mens et je mens aux autres. (p192)

L’amour du théâtre et à travers lui vivre d’autres vies que la sienne, être prête à tout pour assouvir sa passion comme une bouée de sauvetage après une enfance abusée et entre une mère caissière, malade et un père militaire et alcoolique, tel est le but de Romy, acceptant de se vendre pour pouvoir assouvir sa passion, pour pouvoir endosser d’autres identités comme celle de Blanche dans Un tramway nommé désir, de Mirandoline dans La Locandiera ou en Sabina Spielrein, pionnière de la psychanalyse et qui entretint une relation avec Jung.

Je joue comme je fais l’amour, avec la même intensité, la même urgence. J’épouse un texte à la façon d’un corps pour ne faire plus qu’un. Si j’y arrive mon visage recouvre alors toute sa pureté, toute son innocence d’une fillette. Les vagues dans mon ventre se soulèvent, je jouis. Là, je sais que j’ai tout donné. (p98)

Joffrine Donnadieu possède une écriture de grande qualité pour traduire les situations et états d’âme de Romy avec une précision pour relater ce qu’elle vit, voit, ressent et ce en particulier dans les deux premières parties : Blanche, Mirandoline chacune relatant une année à la fois au cours Florent mais également chez Odette.

Je dois avouer que je me suis laissée entraîner dans le devenir de cette jeune femme « paumée » relaté sans artifices restituant ce que l’on imagine être la vie des filles s’exhibant dans les pool dances et l’acharnement dont fait preuve Romy pour atteindre son but. Le duo formé par Odette et Romy passe d’opprimé à oppresseur, chacune fourbissant ses armes et ruses, transformant l’appartement en ring ou refuge, chacune jouant le rôle de chienne ou de louve (surnoms qu’elles se donnent), luttant ou s’adoucissant, ignorant parfois le lien qui les unit, leurs solitudes.

J’ai été un peu déstabilisée dans la dernière partie que j’ai trouvé un peu trop rapide, Romy devant faire face à une nouvelle épreuve et de retour sur les traces de son passé mais il y a un indéniable travail d’écriture et de restitution d’ambiance même si parfois les scènes sont très crues.

Même s’il peut apparaître beaucoup d’affrontements, de conflits entre les deux femmes, ce sont deux générations qui s’affrontent, l’une totalement investit dans son devenir, l’autre dans la solitude de son isolement de fin de vie, l’une et l’autre s’ancrant à l’autre pour survivre.

Lecture dans le cadre d’une Masse Critique Privilégiée Babelio que je remercie ainsi que les Editions Gallimard

Editions Gallimard – Août 2022 – 341 pages

Ciao 📚

2 réflexions sur “Chienne et louve de Joffrine Donnadieu

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