J’ai peu chroniqué ce mois-ci même si la lecture m’accompagne toujours…. La chaleur, d’autres occupations, d’autres orientations, prendre le temps, voilà c’est un peu de tout cela et une prise de distance vis-à-vis des réseaux chronophages, pour retrouver une forme de liberté, de reprise de contrôle de mon temps, une pause et voir si cela changera, laisser faire. Mais j’ai quand même lu (entre autres) et :
J’ai aimé
La maison sur le rivage de Daphné Du Maurier (challenge les classiques c’est fantastique)
Chroniques rapides
L’occupation de Annie Ernaux – Editions Gallimard – 76 pages – Janvier 2022
Un court roman dans lequel Annie Ernaux relate la jalousie qui l’a dévorée après sa rupture avec W., une jalousie surtout dirigée vers celle qui partage désormais l’existence de W. et comment celle-ci est devenue obsessionnelle….
Un court roman, très court dans lequel on retrouve la manière sèche, au plus près des actes et des sentiments mais qui m’a moins touchée que La place ou Une femme peut-être parce que je me suis sentie moins concernée (vous savez que moi et les histoires d’amour…..) mais qui décortique parfaitement les mécanismes de la jalousie et ce qu’elle peut entraîner comme comportements, attitudes, pensées et même actes. Quand l’amour laisse la place à la jalousie et que celle-ci occupe tout l’espace, tout le cœur et tout le mental. Il s’agit là d’une hishttp://www.babelio.com/toire très personnelle, trop personnelle peut-être pour moi et j’ai parfois été gênée d’entrer ainsi dans son intimité.
J’ai aimé.
Je m’efforce seulement de décrire l’imaginaire et les comportements de cette jalousie dont j’ai été le siège, de transformer l’individuel et l’intime en une substance sensible et intelligible que des inconnus, immatériels au moment où j’écris, s’approprieront peut-être. (p45-46)
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Profanes de Jeanne Benameur – Editions Actes Sud – 240 pages – Janvier 2013
Un vieil homme Octave, 90 ans, ancien chirurgien, vivant seul dans sa maison, passe une annonce pour trouver quatre personnes pouvant l’accompagner dans ses journées et ses nuits avec un but différent pour chacune d’elles. Un homme, Marc, ancien militaire, Hélène, artiste peintre, Yolande, caissière et Béatrice, élève infirmière signent le contrat et occuperont chacun une tranche horaire et disposeront d’une chambre au dernier étage. Octave porte en lui un deuil, celui de sa fille, Claire, qu’il n’a pu sauver et la perte de sa femme, Anna, avec laquelle il a divorcé et qui vit désormais au Canada. Octave et ses aidants vont chacun, petit à petit, soigner leurs blessures, donner un sens à leurs vies, trouver le chemin de la rédemption, croire et espérer en l’humain au-delà de toute croyance.
Après le charme ressenti avec La patience des traces, je voulais à nouveau me confronter à la plume de Jeanne Benameur et j’ai été moins touchée par Profanes même si l’écriture est ici également empreinte de profondeur et capable de restituer les sentiments, contextes, ambiances des personnes et des lieux. Moins touchée peut-être parce que l’histoire, quant à son déroulement, est assez conventionnelle dans le sens « Ensemble on s’en sort » (ce que je ne conteste pas). Octave trouve dans l’équipe qu’il a réunie autour de lui comme il le faisait dans le bloc opératoire, la force et la confiance nécessaire pour parcourir le chemin du deuil et permettre à chacun de parcourir le sien, leur ouvrant les yeux sur le sens de la vie et de la mort. Quand on ne croit plus en rien, quand trop d’horreurs, quand trop de blessures, quand trop d’absences ou de déceptions, vers qui se tourner, en quoi croire ?
Cela me pousse à continuer à la lire car ce qui prévaut dans ses ouvrages c’est la qualité de l’écriture et la justesse de ses analyses des sentiments humains et l’ambiance de ses romans. Un moment à part.
Dans leurs regards la gravité de ceux qui ont appris que l’amour ne protège de rien. Qu’il sert juste à prendre tous les risques. Et qu’on est toujours aussi vulnérable. (p154)
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Mémoire de fille de Annie Ernaux – Editions Gallimard – Avril 2016 – 160 pages
1958 – Dans ce récit autobiographique Annie Ernaux se plonge dans son adolescence alors qu’elle a 18 ans et vit sa première expérience sexuelle alors qu’elle occupe un poste de monitrice dans une colonie de vacances dans l’Orne. Elle retrace sa rencontre avec H, responsable du lieu, comment elle va découvrir la sexualité avec lui, mais également les mois qui ont suivi cet été qui fut un tournant dans sa vie de femme mais également dans sa vie professionnelle.
Annie Ernaux se concentre sur sa vie personnelle dans ses ouvrages, elle se fait la représentante féminine d’une génération et n’écrit que sur sa vie de fille, de femme, il faut le savoir et ne pas être contre l’idée d’entrer dans son intimité, la plus crue parfois, car finalement en écrivant sur elle, elle écrit sur nous toutes, les femmes, toutes les femmes, en mettant en mots ce que nous ne dirions pas tout haut, dans ce que nous avons parfois de plus intime.
Et ici elle se met une fois de plus à nu : ses obsessions, ses malaises (boulimie), son rapport à son milieu social et celui des autres, la manière dont elle est perçue par les autres par son comportement sans oublier ses relations familiales et la manière dont l’écriture est entrée dans sa vie après avoir été dans l’enseignement.
J’ai découvert une Annie Ernaux jeune loin de l’image que j’ai d’elle, femme plus âgée et que je pensais plus « réservée, raisonnable »…. Mais nous avons toutes été jeunes, « folles », parfois inconscientes des actes, des pensées et des risques et avec toujours la rigueur qu’elle met dans son écriture pour être la plus vraie, la plus juste, sans fards ni pudeur.
Elle révèle une autre Annie Ernaux, celle de l’adolescente qui s’ouvre à l’extérieur, aux autres, aux hommes se bâtissant même une réputation dont elle « semble » se moquer, elle ouvre son album photo, trouve un sens aux détails y figurant parce qu’ils sont révélateurs du moment, du milieu social, de la mode de l’époque.
C’est un témoignage également d’une époque, celle de l’après-guerre, quand les esprits et les corps se libéraient, quand on cherche à se délivrer d’un milieu social, environnemental pour s’élever, quand on expérimente la vie, les autres. C’est la mémoire d’une femme pour la fille qu’elle était, qui l’a construite sans chercher à enjoliver les faits mais en les restituant tels qu’ils se produisirent et avec leurs conséquences.
On retrouve ici et là, pour qui a lu ses œuvres, des traces de ses autres récits et même si j’ai parfois l’impression de répétitions sur les thèmes traités, je la lis parce qu’elle écrit et ose tellement bien tout ce que nous rêverions nous-mêmes parfois de révéler.
J’ai presque beaucoup aimé.
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L’un l’autre de Peter Stamm – Editions Christian Bourgois – Janvier 2017 – 173 pages
C’était un jour comme les autres, un jour de retour de vacances mais ce soir-là Thomas a posé sa tasse et est parti, abandonnant Astrid et ses deux enfants, sans raison, sans motif, sans un mot, comme cela pour voir où cela allait le mener. Il se lance dans une marche qui va durer longtemps, le temps de savoir où est sa vie, tellement longtemps qu’on le pense mort, elle gardera toujours espoir car ils sont l’un l’autre, ils sont un couple, ils sont un.
Un roman à deux voix : celle de Thomas alterne avec celle d’Astrid, lui par les chemins, elle dans le quotidien de sa maison. Lui ne se pose pas de questions, il vit, elle, les questions, elle se les pose mais n’y trouve pas toujours de réponse même si parfois elle a une piste ou une intuition.
Un roman qui m’a tenue jusqu’à ses derniers mots, un récit de deux aventures personnels, l’un sans l’autre alors qu’ils n’avaient toujours été que l’un avec l’autre, un roman dans lequel règne une certaine tension dans le devenir de chacun, de l’évolution de leurs pensées. C’est avec une écriture douce et introspective que Peter Stamm évoque une histoire de couple, de disparition en laissant chacun raconter son passé, son présent, le futur est envisagé par l’une et est absent pour l’autre, vivant au jour le jour. La réalité et l’espoir sans jamais aucune accusation, violence. Deux vies, deux chemins qui cherchent un sens. Un roman d’ambiance qui parcourt deux vies.
Tout ce qu’on fait n’a pas forcément une raison. Ce n’était pas le fait d’une grande décision, mais plutôt le résultat d’une succession de petites décisions, du laisser-faire, se laisser faire. (p.160)
C’est Livrescapades qui m’avait donnée envie de découvrir ce roman.
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Les falaises de Virginie DeChamplain – Editions La Peuplade – Février 2020 – 224 pages
Un roman féminin puisqu’il s’agit de retrouver les traces intimes laissées dans un cahier par la grand-mère de la narratrice alors que celle-ci revient en Gaspésie lorsque sa mère se suicide et qu’elle vide la maison.
Son aïeule évoque tout ce qu’elle n’a pas pu dire à sa fille alors qu’elle l’a portait dans son ventre, ses rêves, son présent.
Même si ce fut une lecture agréable, limpide parsemée de certains termes québécois, je ne fus pas transportée par ce roman que j’avais vu passé ici et là. Un livre sur le deuil, sur les disparitions des origines, des racines et la transmission.
Traduction de Pierre Deshusses
A la rigueur
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Chien blanc de Romain Gary – Editions Folio – Août 1995 – 220 pages
Voilà un écrivain, un vrai, qui emprunte pour évoquer des sujets de société importants des chemins variés à chaque ouvrage. Ici à travers sa rencontre (le récit se veut autobiographique) avec un chien dressé par les Blancs pour « tuer » des Noirs, l’auteur qui vit à l’époque avec Jean Seberg, se fait le témoin du racisme que ce soit aux Etats-Unis mais également en France. En effet tel le voyageur qu’il était, il observe, compare et analyse les scènes auxquelles il est confronté alors que Jean Seberg s’implique, elle, dans des groupuscules anti-racistes parallèlement à sa carrière hollywoodienne et qu’en France les événements de Mai 1968 révolutionnent la société mais pas toujours les mentalités.
Faites-lui confiance pour chercher les petites bêtes de nos sociétés, y glisser ce qu’il faut d’humour « noir » pour mettre en évidence les contradictions, réactions, comportements des humains et inutile de vous dire que ce roman est finalement une des verrues de notre société comme celle présente sur le chien tueur, un pamphlet réaliste (malheureusement) et qui, malgré plus de 50 ans après, aurait pu être écrit aujourd’hui. Cerise sur le gâteau on découvre beaucoup sur l’auteur, ses réactions, ses attitudes et sur sa vie…… Un homme imprévisible !
J’ai beaucoup aimé
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Le Turquetto – Metin Arditi – Éditions Babel/Actes Sud – Juin 2013 – 288 pages
Constantinople -Début du XVIè siècle – On retrouve dans ce roman à la fois une aventure, celle d’Elie, né de parents juifs, orphelin de mère et fils de Sami, employé sur le marché aux esclaves où Elie apprendra à observer les corps, les expressions mais également comprendra qu’être juif demande à être sur ses gardes. A la mort de son père il s’enfuit à Venise où il se dissimulera sous un faux nom afin de pouvoir exercer son art, être peintre. Lorsque la vérité apparaîtra il fera face à l’église toute puissante et malgré son talent devra affronter les juges.
J’aime en principe les ouvrages qui mêle art et roman mais ici, et même si on m’a souvent vanté cet auteur, je suis restée à distance des péripéties d’Elie peut-être parce que celle-ci sont assez conventionnelles et prévisibles au vu du contexte du contexte que ce soit sur son identité et son art.
Cela se lit sans déplaisir mais sans non plus enthousiasme car il m’a manqué le petit truc qui le distingue d’autres ouvrages du genre.
J’ai aimé
J’ai également lu deux ouvrages de la rentrée littéraire dont je vous parlerai bientôt…..