Résumé
La Hague… Ici on dit que le vent est parfois tellement fort qu’il arrache les ailes des papillons. Sur ce bout du monde en pointe du Cotentin vit une poignée d’hommes.
C’est sur cette terre âpre que la narratrice est venue se réfugier depuis l’automne. Employée par le Centre ornithologique, elle arpente les landes, observe les falaises et leurs oiseaux migrateurs.
La première fois qu’elle voit Lambert, c’est un jour de grande tempête. Sur la plage dévastée, la vieille Nan, que tout le monde craint et dit à moitié folle, croit reconnaître en lui le visage d’un certain Michel.
D’autres, au village, ont pour lui des regards étranges. Comme Lili, au comptoir de son bar, ou son père, l’ancien gardien de phare. Une photo disparaît, de vieux jouets réapparaissent.
L’histoire de Lambert intrigue la narratrice et l’homme l’attire. En veut-il à la mer ou bien aux hommes ? Dans les lamentations obsédantes du vent, chacun semble avoir quelque chose à taire.
Ma lecture
Relecture de ce roman dans le cadre du Club de Lecture sur le thème de la mer.
Dans le décor de ce village d’Omonville proche de La Hague et de ses usines chimiques, la narratrice, la quarantaine, observe et compte mais surtout elle tente de panser ses plaies sur cette côte balayée par les vents et les vagues depuis la perte de l’homme qu’elle aimait.
Elle a trouvé là la solitude nécessaire : elle compte les oiseaux, elle épie leurs attitudes, leurs habitudes….. Peut-être de là vient sa faculté d’observation car elle ne se contente pas des oiseaux, elle observe aussi ceux qui l’entourent, les humains. Et ici, les humains ont de lourds secrets, des non-dits, des rancunes tenaces.
Elle vit dans une maison, la Griffue, où vivent également Raphaël et Morgane, frère et soeur mais à la relation fusionnelle. Lui sculpteur, artiste, elle, vit de petits boulots, de rencontres. Il y a Max, homme simple qui construit son bateau de pêche, amoureux de Morgane, il y a Monsieur Anselme qui a connu Jacques Prévert, qui a vécu là ses dernières années, il y a Théo, vieillard taiseux, vivant seul entouré de ses chats, la Mère et Lilli sa fille qui sert à l’auberge.
A l’arrivée de Lambert, la narratrice va tenter de comprendre les regards, les mots, les silences, les questions sans réponse de ce microcosme lourd et pesant.
Quand on ne se questionne plus on meurt.(p197)
C’est un roman relu avec autant de plaisir que la première fois grâce à l’écriture de Claudie Gallay. Fine, ciselée, efficace, on est projeté sur ces falaises où la rudesse du paysage et du climat servent à merveille la quête de cette femme détruite, blessée et solitaire qui cherche à travers les questionnements sur ces voisins, des réponses à sa détresse, au manque de l’être aimé.
Le manque de toi, je l’ai eu. Je ne l’avais plus. J’aurais voulu l’avoir toujours. C’est ce manque qui me manquait, mais ce manque, ce n’était déjà plus toi. (p506)
Dès les premières lignes on est happé par l’histoire, tout s’enchaîne très vite, l’intrigue, les personnages sont mis en place, c’est précis, net, les mots et les silences présents. On sent le souffle du vent, on respire les embruns, les vagues chargée d’écume arrivent à nos pieds et vous fouettent le visage, charriant les secrets des uns et des autres. Patiemment mais fermement la narratrice s’immisce dans la vie de chacun, cherchant la clé qui lui permettra de comprendre les disparitions, les apparitions, les fantômes qui rôdent.
Comme dans La beauté des jours l’auteure a cette faculté de raconter avec simplicité, sans fioriture, les émotions, les sentiments par le climat qu’elle donne à ses romans. L’environnement, les caractères tout ce qui contribue à nous faire pénétrer dans l’intimité de chaque protagoniste.
La douleur de la perte de l’homme qu’elle aimait pour la narratrice, la douleur de la disparition de sa famille dans un naufrage et ses questionnements pour Lambert, la douleur d’une famille déchirée et puis le personnage de Nan, Florelle pour Théo, cette femme mystérieuse, qui guette le retour des naufragés, qui concentre sur elle toutes les peurs, les haines mais aussi l’amour.
C’est un roman sur la reconstruction de vies, quand celles-ci sont amputées, le chemin à parcourir, long et douloureux, dont on ressort ou pas, indemne ou pas mais qui permet de survivre et d’avancer.
Il a expliqué que les chemins les plus longs étaient souvent les plus nécessaires. Marcher et méditer. Il avait mis de longs mois pour arriver ici. Des années encore pour comprendre ce qu’était la vie. Il avait abordé la sagesse. Il était arrivé à la contemplation. (p534)
J’ai trouvé sur mes étagères deux autres livres de Claudie Gallay : Seule Venise et dans l’Or du Temps que je me promets de relire prochainement et dont je vous mettrais, bien sûr, les billets ici.
Mon avis : ❤❤❤❤
Editions J’ai lu – 539 pages – 2008
Prix des Lectrices Elle 2008
Ciao