Clap de fin…..

CLAP DE FIN DU BLOG

Nous sommes dans la Rentrée littéraire et moi je vous annonce ma sortie… En effet, dans mes bilans mensuels, je vous parlais depuis quelques mois de prises de conscience et de réflexion….  Donc ce ne sera peut-être pas une surprise pour vous mais j’ai pris la décision de mettre en mode « pause », dans un premier temps, mon blog littéraire. En effet, après plus de 1100 chroniques, je me suis aperçue que celles-ci me prenaient du temps, trop de temps, entre la rédaction, la lecture des vôtres m’attachant à échanger avec vous, laissant des commentaires ou répondant à ceux et celles qui laissaient une trace de leurs passages sur mon blog. Quand je fais quelque chose je le fais pleinement mais je n’ai qu’un maître mot dans ma vie : Liberté et même si j’ai beaucoup aimé partager avec vous mes lectures et découvertes, bonnes ou moins bonnes, j’ai besoin désormais de vivre mes aventures livresques d’une autre manière mais également de me lancer dans d’autres activités….

Je lis et lirai toujours mais je veux retrouver ce plaisir intime de choisir sans trop savoir à l’avance ce qui se cache entre les pages d’un ouvrage, derrière un titre ou le dernier roman d’un(e) écrivain(e) que j’aime et, même si grâce à vous j’ai fait de réelles belles découvertes, je désire retrouver mon instinct et une forme d’aventure livresque. Et puis j’ai encore tant à lire, ma Pile A Lire ou à Relire est tellement importante (et vous en êtes parfois les responsables), j’ai tellement de classiques et d’écrivain(e)s qui m’attendent que je souhaite m’y consacrer.

J’ai toujours joué la carte de l’honnêteté sur mon blog, donnant l’exact ressenti de mes lectures et il en est de même avec vous. Je ne veux pas continuer à tenir un blog qui ne serait pas à l’image de ce que je voulais qu’il soit ou rédiger des chroniques bâclées et le faire implique beaucoup d’investissement en temps. La tenue du blog m’a beaucoup appris sur l’univers livresque, sur son fonctionnement mais également sur la palette très variée des analyses de lecture de chacun(e) pour un même ouvrage.

Voilà, une page se tourne mais je garde mes abonnements sur les réseaux sociaux, Instagram et Facebook pour l’instant, même si je trouve tout cela trop chronophage, mais je me connais, je ne résisterai peut-être pas à partager un coup de cœur ou une belle découverte et Y rédigerai des ressentis (parfois courts) sur Babelio (mumuboc), qui me sert de bibliothèque virtuelle depuis plus de 10 ans, et Lecteurs.com. Alors si cela vous dit vous pourrez m’y retrouver.

J’ai aimé nos partages, nos échanges, les liens et affinités qui se sont créés parfois, sans oublier le challenge Les classiques c’est fantastique de Moka Milla et Fanny auquel j’ai participé pendant une saison et quelques mois avec délice et qui m’a confirmé mon attrait pour les classiques.

Vous avez été plus de 370 à me suivre mais pour moi il y a autant d’avis que de lecteur(rice)s, la littérature reste une affaire très personnelle où chacun(e) puise ce qu’il recherche, attend, espère, rêve. Alors je retourne dans ma grotte au milieu de la nature, dans le silence de mon nid, entourée des livres, mes compagnons de toujours et vous souhaite à tous et toutes de belles heures de lecture, de voyages livresques et de continuation pour vos blogs.

Ciao 📚

Point de fuite de Elizabeth Brundage

POINT DE FUITE IGLorsque Julian Ladd, en rentrant un soir de l’agence de pub où il travaille, découvre dans le journal l’avis de décès de Rye Adler, le passé refait lentement surface. L’appartement qu’ils partageaient à Philadelphie, les cours de photo qu’ils suivaient à l’atelier Brodsky, vingt ans plus tôt. Et surtout la belle Magda, leur condisciple, dont tous deux étaient tombés amoureux. Malgré leurs divergences, Julian admirait Rye, et s’est toujours efforcé de ne pas laisser la jalousie l’emporter : c’est d’ailleurs lui, Julian, qui a épousé Magda, et s’il a choisi par sécurité la voie du marketing, Rye était de son côté devenu photographe de stars, loin de ses idéaux de jeunesse et des reportages dans le tiers monde qui l’avaient rendu célèbre. Aujourd’hui divorcé, Julian se rendra seul à la cérémonie en l’honneur de Rye, dont le corps n’a toujours pas été retrouvé…

Ma lecture

C’était ça, le mariage – construire une vie – ou du moins rassembler les preuves qu’on en avait une. (p70)

Ils étaient co-locataires durant leurs études mais, comme cela arrive souvent dans les romans mais également dans la vie, l’un, Julian Ladd avait pris l’autre, Rye Adler, comme modèle, allant jusqu’à le regarder dormir la nuit pour s’en imprégner. Après leurs études photographiques où ils croisèrent la route de Magda dont ils tombèrent sous le charme, chacun a pris une route différente : Rye comme photographe spécialisé dans les portraits posés de célébrités, Julian quant à lui préférait les scènes saisies sur le vif mais ne réussissant pas à vivre de son art, il travaille désormais dans une agence de marketing. Julian a épousé Magda et ont un fils, Théo,  Rye a épousé Simone et sont parents de Yana. Si tous les deux ont réussi apparemment dans leurs vies il ne s’agit que d’apparences qui vont révéler, 20 ans plus tard, lorsque l’avis de décès de Rye paraît dans la presse, ce qu’elles cachent depuis tout ce temps : jalousie, amitié, rancœur, amour et leurs répercussions pour eux et leurs familles.

Comme dans Dans les angles morts, Elizabeth Brundage, mène une enquête sur de couple mais ici il s’agit également d’aborder en fond le monde moderne et la société américaine en particulier avec leurs travers et les excès qu’ils peuvent engendrer. En partant du décès de Rye, dont on a d’ailleurs jamais retrouvé le corps, l’autrice à travers les voix de Rye, Jullian, Magda, Théo, Simone, remonte le temps pour analyser comment des personnalités se façonnent, évoluent, se confrontent et vont jusqu’à se haïr pour ce qu’elles représentent, allant jusqu’à obtenir ce que l’autre aurait tant voulu avoir au risque de tout perdre.

Car au-delà du pourquoi et du comment concernant la disparition de Rye, elle dépeint une société américaine ravagée par les drogues, le consumérisme et la réussite.  Le contexte de la photographie permet à Elizabeth Brundage de « tirer » les portraits d’hommes et de femmes confrontés à la réalité de leurs existences, aux arrangements de façade, à viser ce qu’ils estiment Leur point de fuite, leur point de mire et pour les deux hommes, il s’agit de Magda qui, elle, a comme objectif principal de sauver Théo de l’enfer dans lequel il est plongé.

L’autrice, au-delà de la tension qu’elle instille jusqu’à la dernière page, dépeint une société artificielle, celle des apparences, de la réussite, s’attachant à creuser la psychologie intime de chacun de ses personnages, leurs zones d’ombre, leurs faiblesses.

J’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce nouveau roman d’Elizabeth Brundage car, au-delà du mystère qui entoure la disparition de Rye, elle propose un regard critique assez violent sur le monde actuel, sur ses artifices de toutes sortes et sur ce que l’ambition, à quelque titre que cela soit, peut générer comme comportements conscients ou inconscients, instinctifs ou calculés, pour en faire un récit palpitant sur fond de constat sociétal.

Cela se lit à la fois comme un roman sur une disparition inexpliquée mais également comme l’analyse de personnages et d’une société où se confrontent divers strates :  celle de la réussite et du bonheur apparents mais aussi celle des autres, de ceux qui ont renoncé et cherchent, par d’autres moyens, à rêver d’un ailleurs.

Une construction dynamique, des références photographiques comme des témoignages des différents aspects évoqués, une écriture de qualité font de l’ensemble une lecture prenante et qui m’a tenue jusqu’à la dernière page avec un épilogue auquel je ne m’étais pas attendu…..

Traduction de Cécile Arnaud

Editions Quai Voltaire/La Table Ronde – Août 2022 – 371 pages

Ciao 📚

Chienne et louve de Joffrine Donnadieu

CHIENNE ET LOUVE IG« Je veux respirer sur scène, entendre les trois coups chaque soir, commettre des crimes, des infanticides, des adultères, aimer éperdument, haïr follement, voyager à travers les époques, changer de sexe, m’empoisonner, mourir, renaître. »
Romy, vingt ans, arrive à Paris avec le rêve d’être comédienne. Pour subsister et payer le Cours Florent, elle travaille dans un club de strip-tease à Pigalle. Odette, vieille fille de quatre-vingt-neuf ans, la loge contre un loyer modique et un peu de compagnie. String à paillettes et crucifix devront faire bon ménage. Deux femmes s’apprivoisent, entre chien et loup. Elles nouent une relation faite de fascination et de dépendance, se renvoyant en miroir leurs corps meurtris, leurs solitudes, leurs folies, leurs enfances volées et surtout leur désir de vivre. Dans cette emprise mutuelle, jusqu’où seront-elles capables d’aller ?

Ma lecture

Romy a 20 ans et quitté sa famille pour rejoindre Paris et tenter de devenir comédienne et pour cela elle est prête à tout. Elle est entrée au célèbre cours Florent et afin de payer ses cours, elle occupe un emploi  de strip-teaseuse à Pigalle où elle s’offre aux regards des hommes en s’effeuillant et davantage pour quelques euros supplémentaires. Jusqu’à maintenant elle squattait à droite et à gauche mais lui est offert l’opportunité d’occuper, contre une présence et une aide, une chambre dans l’appartement d’Odette, 89 ans. La cohabitation va alterner entre rapprochements et confrontations durant les trois années où elles vont vivre côte à côte devenant tour à tour chienne ou louve. Romy est prête à tout pour réaliser son rêve de comédienne et tourner la page d’une enfance martyrisée.

Je n’ai découvert que presqu’arrivée à la fin du roman qu’il était finalement la suite d’un précédent roman de Joffrine Donnadieu, Une histoire de France, qui évoquait l’enfance douloureuse de Romy, alors âgée de 9 ans et subissant de la part d’une voisine, France, d’abus sexuels, partagée entre son attachement à sa tortionnaire et l’indifférence de ses parents.

Chienne et Louve peut se lire sans pour autant avoir lu le précédent, comme je l’ai fait, car Romy évoque de temps à autre son passé qui peut d’ailleurs éclairé sur son comportement que ce soit dans la manière « extrémiste » de trouver de quoi payer ses cours mais également dans sa manière de vivre que ce soit à travers l’anorexie dont elle souffre mais également dans son rapport aux hommes et à son corps.  Mais un jour, Jean, la soixantaine va croiser sa route…

Je ne suis vraie que lorsque je me tiens sur le plateau ou que je m’y projette. Le reste du temps, je me mens et je mens aux autres. (p192)

L’amour du théâtre et à travers lui vivre d’autres vies que la sienne, être prête à tout pour assouvir sa passion comme une bouée de sauvetage après une enfance abusée et entre une mère caissière, malade et un père militaire et alcoolique, tel est le but de Romy, acceptant de se vendre pour pouvoir assouvir sa passion, pour pouvoir endosser d’autres identités comme celle de Blanche dans Un tramway nommé désir, de Mirandoline dans La Locandiera ou en Sabina Spielrein, pionnière de la psychanalyse et qui entretint une relation avec Jung.

Je joue comme je fais l’amour, avec la même intensité, la même urgence. J’épouse un texte à la façon d’un corps pour ne faire plus qu’un. Si j’y arrive mon visage recouvre alors toute sa pureté, toute son innocence d’une fillette. Les vagues dans mon ventre se soulèvent, je jouis. Là, je sais que j’ai tout donné. (p98)

Joffrine Donnadieu possède une écriture de grande qualité pour traduire les situations et états d’âme de Romy avec une précision pour relater ce qu’elle vit, voit, ressent et ce en particulier dans les deux premières parties : Blanche, Mirandoline chacune relatant une année à la fois au cours Florent mais également chez Odette.

Je dois avouer que je me suis laissée entraîner dans le devenir de cette jeune femme « paumée » relaté sans artifices restituant ce que l’on imagine être la vie des filles s’exhibant dans les pool dances et l’acharnement dont fait preuve Romy pour atteindre son but. Le duo formé par Odette et Romy passe d’opprimé à oppresseur, chacune fourbissant ses armes et ruses, transformant l’appartement en ring ou refuge, chacune jouant le rôle de chienne ou de louve (surnoms qu’elles se donnent), luttant ou s’adoucissant, ignorant parfois le lien qui les unit, leurs solitudes.

J’ai été un peu déstabilisée dans la dernière partie que j’ai trouvé un peu trop rapide, Romy devant faire face à une nouvelle épreuve et de retour sur les traces de son passé mais il y a un indéniable travail d’écriture et de restitution d’ambiance même si parfois les scènes sont très crues.

Même s’il peut apparaître beaucoup d’affrontements, de conflits entre les deux femmes, ce sont deux générations qui s’affrontent, l’une totalement investit dans son devenir, l’autre dans la solitude de son isolement de fin de vie, l’une et l’autre s’ancrant à l’autre pour survivre.

Lecture dans le cadre d’une Masse Critique Privilégiée Babelio que je remercie ainsi que les Editions Gallimard

Editions Gallimard – Août 2022 – 341 pages

Ciao 📚