Quatrième de couverture
Edward Driffield, Alroy Kear et William Ashenden sont tous trois écrivains. Le premier est un auteur majeur de la littérature victorienne, le deuxième fait preuve de plus d’ambition que de talent, tandis que le troisième, le narrateur, se montre tour à tour modeste et irascible. Ils sont liés par une femme, la voluptueuse et insouciante Rosie Driffield.
Ma lecture
William Somerset Maugham est connu pour ses « nouvelles pour dames » comme le dit la chanson d’Alain Souchon, mais il a également écrit quelques romans dont celui-ci qui se déroule dans un milieu qu’il connaît bien : les écrivains et le monde littéraire.
Même si le sujet est la rédaction par Alroy Kear de la biographie du « grand écrivain » Edward Driffield, c’est finalement par William Ashenden, le narrateur ayant beaucoup de Somerset Maugham (enfance, parcours, études etc…), que nous allons le découvrir car celui-ci a fréquenté à plusieurs reprises Edward Driffield et surtout sa femme Rosie, personnage plein de vie et de charme, de beaucoup de charme.
Somerset Maugham en profite pour en faire également un pamphlet sur le monde littéraire et j’ai trouvé ses réflexions assez féroces et encore très actuelles (surtout en cette période de rentrée littéraire)
Tous les ans des centaines de livres, ont beaucoup d’une valeur considérable, passent inaperçus. Chacun de ces livres a pris des mois à l’auteur pour l’écrire, il l’avait peut-être en tête depuis des années ; il a mis dedans quelque chose de lui qui est perdu à jamais, et il est déchirant de penser à la très forte probabilité que l’ouvrage soit ignoré vu la pléthore de volumes qui encombrent les tables des critiques et envahissent les rayons des librairies. Il n’est donc pas absurde que l’auteur ait recours à tous les moyens possibles pour attirer le regard des lecteurs. L’expérience lui a appris comment procéder. Il doit se transformer en personnage public. Il doit se montrer sans cesse. Il doit donner des interviews et avoir sa photo dans les journaux (…) Il ne doit jamais se laisser oublier. C’est un labeur difficile et angoissant, car une erreur peut lui coûter très cher. (préface page 12)
Dès la préface le ton est donné et, comme vous le savez, je suis une inconditionnelle de littérature anglaise car il y a souvent au-delà d’une histoire souvent banale, une étude des personnages, de leur psychologie et de leurs mœurs, une critique souvent acérée des classes sociales et c’est le cas ici. J’ai aimé à travers cette évocation de la vie d’un écrivain, retrouver l’analyse que l’auteur y glisse à la fois de la société où il évolue mais aussi du milieu littéraire et de ses travers.
Pour tenir en éveil l’attention du public, son auteur favori doit continuer à produire. Un ou deux chefs-d’œuvre ne suffisent pas ; il faut les soutenir par quarante ou cinquante ouvrages de moindre importance. Faute de captiver encore le lecteur par la qualité, on peut toujours l’écraser sous la quantité. (p130)
C’est à la fois un vaudeville avec le mari, la femme, les amants, les mystères, l’argent qui va et vient, les disparitions mais c’est surtout une sorte de pamphlet subtile et implacable sur le monde littéraire, ceux qui gravitent autour, la place de l’auteur et le rôle qu’il est parfois contraint de tenir.
J’ai aimé l’écriture alerte, vive, légère, parfois humoristique mais aussi directe, sévère et sans concession quant il s’agit de révéler l’envers du décor du monde littéraire. Qui est vraiment un auteur ? Qui se cache derrière la plume, qu’elle est sa vie, ses soucis, ses devoirs, ses doutes, ses obligations ?
J’ai passé un excellent moment de lecture avec en fond la vision critique d’un homme de lettres évoquant le monde où il évoluait au début du 19ème siècle (rien ne change vraiment) mais aussi la société avec ses règles, s’attachant avec Rosie à la place de la femme avec beaucoup de compassion et d’indulgence finalement en ce qui la concerne (chercher la femme qui se cache derrière chaque grand homme).
Mon premier Somerset Maugham et sûrement pas le dernier, j’ai vu qu’il avait écrit d’autres romans sur le milieu littéraire comme ‘La Ronde de l’amour’ en 1930 ainsi que des récits autobiographiques mais je vais également découvrir ces fameuses Nouvelles pour dames….
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Traduction de E.R. Blanchet
Editions Le petit vermillon / La table ronde – Mai 2013 – 266 pages
Ciao
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