Le fils de Philipp Meyer

LE FILS IGRoman familial, vaste fresque de l’Amérique des années 1850 à nos jours, Le Fils de Philipp Meyer, finaliste du prestigieux Prix Pulitzer 2014, est porté par trois personnages – trois
générations d’une famille texane, les McCullough – dont les voix successives tissent et explorent avec brio la part d’ombre du rêve américain.
Eli, le patriarche que l’on appelle  » le Colonel  » est enlevé à l’âge de onze ans par les Comanches et passera avec eux trois années qui marqueront sa vie. Revenu à la civilisation, il prend part à la conquête de l’Ouest avant de s’engager dans la guerre de Sécession et de devenir un grand propriétaire terrien et un entrepreneur avisé.
À la fois écrasé par son père et révolté par l’ambition dévastatrice de ce tyran autoritaire et cynique, son fils Peter profitera de la révolution mexicaine pour faire un choix qui bouleversera son destin et celui des siens.
Ambitieuse et sans scrupules, Jeanne-Anne, petite-fille de Peter, se retrouve à la tête d’une des plus grosses fortunes du pays, prête à parachever l’œuvre du « Colonel ».
Mais comme ceux qui l’ont précédée, elle a dû sacrifier beaucoup de choses sur l’autel de la fortune. Et comme tous les empires, celui de la famille McCullough est plus fragile qu’on ne pourrait le penser.

Ma lecture 

Philipp Meyer retrace à travers la famille Mc Cullough à la fois une page d’histoire d’un état américain, le Texas, mais également une page sociétale de 1850 à nos jours à travers les voix de trois de ses membres. La première est celle de Eli, le Colonel, le doyen, la figure tutélaire du roman de par son parcours, enlevé à 13 ans par les comanches après le massacre de sa famille et qui va vivre dans leur tribu pendant trois ans s’imprégnant de leur culture. Puis Peter, son fils,  sur fond de révolution mexicaine va se dresser contre ce père despotique et ambitieux et être le fils impuissant, subissant mais dont la conscience n’est jamais en paix. Dernière voix : celle de Jeannie, arrière petite fille du patriarche, celle par qui le changement va s’opérer, celle qui va saisir l’air du temps et transformer la fortune territoriale en fortune pétrolière.

Quand on commence ce roman on s’embarque dans une lecture addictive, passionnante, instructive. Ce roman s’intitule Le fils mais c’est l’image du père qui flotte, à mon avis sur l’ensemble du récit, celui qui a construit un empire mais également une lignée. A travers lui j’ai découvert et été passionnée par un peuple, les comanches, leur façon de vivre, de penser, de chasser, de s’habiller et de se nourrir. Avec Eli, j’ai fait l’apprentissage d’une éducation comanche, faite de combats, de chasse mais également de liberté, d’espace, de rapports à la terre, à la nature et aux esprits. Comme Eli, je me suis attachée à sa deuxième famille, au lien qui s’est créé sans pour autant renier ni oublier sa famille décimée par eux, gardant une sorte de philosophie comanche mais également un lien spirituel avec eux.

Peter se révèle à travers son journal dans lequel émergent ses sentiments les plus intimes, ses rapports avec sa famille et des luttes qu’il n’approuve pas, et ne comprend pas sans pouvoir chasser totalement les fantômes qui le hantent. 

Et puis Jeannie, femme dans un milieu d’hommes, où elle va devoir faire ses preuves en tant que femme, se battre pour imposer ses choix et qui, suite à une chute qui l’immobilise au sol, naviguant entre conscience et souvenirs, va refaire le parcours qui l’a conduit jusqu’à diriger l’empire McCullough.

Trois narrateurs, trois sensibilités, trois visions d’un état américain, le Texas, dont la construction passe par les massacres et rivalités de territoires entre Blancs, Indiens, Mexicains mais également par les richesses qu’offrent son sol que ce soit pour le bétail mais également pour ce qu’il contient et engendre comme rivalités et convoitises.

C’est un roman qui mêle très habilement l’Histoire avec un H majuscule mais également l’Humain avec ses différents comportements, adaptations et revirements. L’auteur choisit les trois époques clés d’une famille face à son destin, devant trouver les moyens soit de survie, soit d’adaptation avec ce qu’ils ont parfois de contradictoires. Et pourtant trois caractères et sensibilités différents mais avec un seul but, celui de perdurer même si parfois la tentation est grande de lâcher les rênes d’un empire qui s’est parfois bâti dans les larmes et le sang.

Un pavé de près de 700 pages mais que l’on ne lâche pas tellement l’auteur explore toutes les pistes, faisant tour à tour de ses personnages des héros, des lâches, des meurtriers, les faisant passer d’un camp à l’autre, celui des possesseurs ou des voleurs, les bourreaux ou des victimes. C’est une fresque familiale qui se mêle à l’histoire territoriale mais également nationale par les différentes guerres menées : Sécession, mondiale, frontalière, où les pertes se comptent par dizaine de milliers, où les hommes et la terre réclament leur dû et que j’ai dévorée sans bouder mon plaisir, malgré les massacres, malgré les violences parce qu’il s’agit d’une plongée sans prise de position de l’auteur qui démontre parfaitement les mécanismes qui poussent un être à passer d’un camp à l’autre, certes par la force des événements mais qui s’adapte à son environnement et même y trouve plus de grandeur que dans celui dont il est issu.

Plus de deux siècles d’histoire menés de main de maître, où l’intérêt ne se relâche jamais, dans lesquels souffle un vent d’histoire, de romanesque, une tension et un page-turner, un ouvrage richement documenté tout en gardant la fluidité du récit, à la manière d’une longue chevauchée dans des canyons encore marqués par les luttes qui s’y sont déroulées.

J’ai beaucoup aimé.

Traduction de Sarah Gurcel

Editions Albin Michel (Terres d’Amérique)  – Août 2014 – 688 pages

Ciao 📚

15 réflexions sur “Le fils de Philipp Meyer

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