Indian Creek de Pete Fromm

INDIAN CREEKLe garde commença à parler de bois à brûler. Je hochais la tête sans arrêt, comme si j’avais abattu des forêts entières avant de le rencontrer.
– Il te faudra sans doute sept cordes de bois, m’expliqua-t-il. Fais attention à ça. Tu dois t’en constituer toute une réserve avant que la neige n’immobilise ton camion.
Je ne voulais pas poser cette question, mais comme cela semblait important je me lançai :
– Heu… C’est quoi, une corde de bois?
Ainsi débute le long hiver que Pete Fromm s’apprête à vivre seul au cœur des montagnes Rocheuses, et dont il nous livre ici un témoignage drôle et sincère, véritable hymne aux grands espaces sauvages.

Pourquoi j’ai choisi ce livre

J’ai découvert l’écriture, le style de Pete Fromm avec Lucy in the sky et Mon désir le plus ardent, deux lectures que j’avais beaucoup aimées, un roman d’apprentissage et un roman d’amour. Je lisais beaucoup d’articles concernant Indian Creek de cet auteur et je voulais découvrir un autre domaine de son écriture : l’aventure, autobiographique, les grands espaces même si dans Mon désir ceux-ci étaient déjà présents.

Ma lecture

1978 – A 20 ans, vous étudiez la biologie, l’été vous êtes maître-nageur. Vous surprenez une conversation où il est question d’un poste à prendre comme surveillant d’un élevage de saumons. Partiriez-vous  pour 7 mois au cœur des montagnes rocheuses, d’octobre à avril,  pour y vivre seul,  dans une tente,  dans un paysage fait de neige et de glace, par des températures pouvant descendre jusqu’à -30° la nuit, n’avoir pour seule présence qu’une chienne Boone ? Vous y réfléchissez à deux fois (voir plus) mais Pete Fromm, lui  se dit pourquoi pas ? Un coup de fil et le voilà parti pour une aventure qui va changer sa vie.

Quand vous commencez ce livre vous entrez en territoire inconnu, comme l’a fait l’auteur quand il est arrivé à Indian Creek. Vous allez vivre avec lui une véritable épopée au milieu des étendues blanches, des animaux : puma, lynx, élan, rennes et même ours sans compter tous les autres, plus petits mais pas moins présents.

Il pensait que ce serait un travail facile, sans trop de contraintes,  qu’il avait lu ce qu’il fallait et connaissait tout ce qu’il fallait savoir sur la vie loin de tout, dans des conditions extrêmes, seul.

Grâce à une écriture, comme toujours, fluide, précise, il n’est plus seul, car vous l’accompagnez : vous partagez son quotidien, ses erreurs mais aussi ses expériences et des découvertes il va en faire de nombreuses pas seulement sur son environnement mais finalement aussi sur lui-même.

Il va finalement prendre goût à cette vie faite de solitude, de balades, de chasse, de complicité avec sa chienne et de péripéties. Il prend conscience de la majesté des lieux, de leur force, des dangers qu’elle peut représenter. Il n’y est que de passage, un humain dans l’immensité où il faut faire preuve d’humilité, d’ingéniosité et de courage.

Il va pourtant connaître des moments de stress, de découragement, voir de peur, mais aussi des moments d’extase comme devant une éclipse qui va lui révéler son propre passage de l’ombre à la lumière

De mon côté, parcouru de frissons, je continuai à tourner en tout sens sur mon étroit promontoire, essayant de voir ce qui n’était plus visible, ce que je n’avais pas eu le temps d’admirer suffisamment en l’espace de deux minutes – je voulais m’imprégner de tout ce que je voyais depuis des mois, comme si cette aube nouvelle avait révélé davantage que de simples montagnes. (p184)

C’est un roman d’apprentissage  à la nature, de découvertes, d’aventures et de quelques rencontres, à la Jack London, à la Sylvain Tesson, dans une nature où toute erreur peut coûter cher, où, grâce aux livres lus et en étant attentif aux gestes de ceux qui pratiquent cette nature, il deviendra lui-même un expert.

Mais l’apprentissage sera progressif, instructif, parfois difficile et il lui apprendra bien plus qu’il n’imagine.

Je ne pensais pas prendre autant de plaisir à lire ce roman autobiographique, déterminant dans la vie de Pete Fromm

En écrivant, je me sentais emporté loin de la chaise sale et de la maison délabrée que je partageais avec mes colocataires. J’étais de nouveau là-bas. Dans la neige. Dans la montagne. J’étais de retour à Indian Creek. J’avais découvert qu’il était possible de rêver en étant éveillé, un stylo à la main. (p240)

J’ai eu quelques moments difficiles, ceux qui touchaient à la chasse, j’ai toujours du mal à lire des scènes touchant à des animaux que l’on abat, que l’on dépèce, même s’il s’agit de s’alimenter, d’améliorer l’ordinaire mais sinon je me suis complètement immergée dans son environnement et j’ai trouvé pour ma part que les sept mois avaient passé bien vite…

Pete Fromm a l’art de nous raconter de belles histoires mais quand l’histoire touche une tranche de sa vie, un voyage initiatique, quand il parle nature, vie, beauté des grands espaces et de sa faune mais aussi leur dangerosité, il devient un merveilleux conteur dont on ne se lasse pas.

J’ai sur mes étagères Le Nom des Etoiles, une suite vingt ans plus tard, un deuxième séjour qui va sûrement me réserver encore de beaux moments d’évasion.

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Traduction de Denis Lagae-Devoldère 

Editions Gallmeister – Janvier 2017 – 251 pages (1ère parution 1993)

Ciao

 

11 réflexions sur “Indian Creek de Pete Fromm

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