Tous les vivants de C.E. Morgan

TOUS LES VIVANTS IGOrren et Aloma sont deux âmes à vif, deux jeunes êtres à fleurs de peau. Elle est orpheline, élevée dans une école missionnaire catholique et dotée d’un talent rare pour le piano. Il est fils de fermiers, fier et taciturne. Ils sont amoureux et leur vie bascule le jour où la famille d’Orren meurt dans un accident de voiture, le laissant en charge d’une vaste plantation de tabac, d’une terre aride et d’une maison silencieuse où flotte encore la présence des êtres disparus. Livrée à elle-même dans ces lieux si peu familiers au coeur des montagnes du Kentucky, Aloma devra traverser des épreuves afin de trouver sa place dans cette nouvelle vie.

Ma lecture

Il y a les vivants, Aloma et Orren, et il y a les morts, ceux qui peuplent la propriété du Kentucky où le couple s’installe après le décès dans un accident de la mère et du frère d’Orren. Ils  sont très différents mais s’aiment. Elle, orpheline, élevée dans un pensionnat catholique, possède un don pour le piano et en a fait son métier en devenant professeur de musique. Lui, est issu du monde agricole, de la culture du tabac.

Car c’est dans un sanctuaire qu’Aloma va pénétrer et c’est loin de ce qu’elle s’imaginait vivre. Orren, qu’elle fréquentait depuis plusieurs mois, rencontres furtives le plus souvent à la nuit tombée dans la voiture du jeune homme, va se révéler un homme taiseux, sombre et orgueilleux. Les fantômes d’Orren, Emma, sa mère et Cash, son frère aîné, mais aussi toute sa famille qui sua sang et haut sur cette terre, le hantent et il veut se montrer à leur hauteur, sur cette terre ingrate, dans la chaleur qui écrase les êtres et fait courber la tête des plans de tabac, mettant en péril l’exploitation et leur couple. Il se sent le dernier et seul dépositaire de la tradition familiale.

Heureusement Aloma découvre un piano dans l’église du village et va obtenir l’autorisation de jouer pendant les offices mais aussi de pratiquer sa passion en semaine, trouvant ainsi le baume qui recouvrira ses déceptions et fera la connaissance de Bell, le pasteur, qui va faire naître un trouble qu’elle aura du mal à définir.

Aloma va mener un combat à la fois sur elle-même, se chercher, comprendre ce qui l’anime et ce qu’elle désire, la poussant à s’affirmer en trouvant les mots qui lui manquent, pour exprimer ses sentiments, et enjoignant Orren à sortir de sa réserve, de l’enfer (le véritable prénom de Orren est Orpheus……) où il s’enferme, ne laissant à Aloma aucune possibilité de trouver sa place.

Dans ce roman, C.E. Morgan dont c’était le premier roman, avec une écriture subtile, évocatrice, dresse le portrait d’une femme face à ses rêves et ses désillusions, qui va découvrir à la fois la vie auprès d’un homme qu’elle ne reconnaît plus mais aussi les regards parfois lourds et les préjugés qui l’entourent.

(…) il était trop tard pour comprendre de quelle façon ils s’étaient aimés à trois comtés et deux montagnes de distance, ou comment, une fois cette distance parcourue, la distance était pourtant demeurée. (p212)

On ressent tout le poids qui pèse sur les épaules des deux personnages, enfermés dans leurs passés respectifs, hantés par ce qu’ils n’ont pas connu ou ce qu’ils ont uniquement connu, avec des éducations et aspirations éloignées, lui dans la volonté de faire perdurer le domaine où s’échina sa famille depuis plusieurs générations, elle cherchant à  bâtir ce qu’elle n’a jamais connu et s’intégrer mais sans renoncer à ce qui illumine sa vie : la musique.

C.E. Morgan évoque la difficulté pour un couple de trouver l’équilibre avec ce qui les a constitué, forgé et les concessions et l’acceptation nécessaires pour une vie nouvelle à deux, mais sans renoncer pour autant à ce qu’ils sont profondément car c’est cela qui les a réuni. Même si le personnage d’Orren peut sembler assez hermétique,l’auteure ne nous donnant d’ailleurs pas toutes les clés pour percer sa personnalité, se concentrant sur les pensées et le ressenti d’Aloma, c’est une lecture intense, brûlante, en un seul tenant sur un parcours de femme face à un monde, celui du couple et de l’Amérique rurale, dont elle fait l’apprentissage.

Mention spéciale pour l’évocation de la nature environnante, le climat et les symboles en particulier une naissance révélatrice pour le couple.

Merci au Picabo River Book Club et aux Editions Gallimard pour cette lecture 

Traduction de Mathilde Bach

Editions Gallimard – Décembre 2019 – 281 pages

Ciao

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